Les quatre éparques érythréens, c’est-à-dire des évêques d’une Église catholique de rite oriental, appellent à jeûner et prier pendant trois semaines en guise de protestation contre la saisie brutale par le régime de leurs centres de soins de santé.
La semaine dernière, les autorités érythréennes ont saisi tous les centres de soins de santé de l’Église catholique dans ce pays de la Corne de l’Afrique. La vingtaine de centres de soins de santé rattachée aux églises et monastères de la petite minorité catholique ont en général la réputation d’offrir des soins de bien meilleure qualité que les soins de santé organisés par les autorités érythréennes, ce qui explique le succès de ces premiers : quelque quarante mille patients par an y font recours.
La saisie de la semaine dernière ne semble pas s’être faite en douceur. Des témoins – qui par ailleurs se font rares dans ce pays africain réputé pour sa répression impitoyable de tout élément critique – évoquent des scènes où des militaires ont arraché de force les masques d’oxygène des visages ou autres baxter des bras avant de mettre les patients brutalement à la rue. Les centres de soins concernés sont gardés dorénavant par les forces de l’ordre pour éviter que quiconque y soit encore soigné.
Les évêques catholiques d’Érythrée appellent les fidèles maintenant à respecter un « jeûne national » du 25 juin au vendredi 12 juillet. Ils font référence au prophète Néhémie, qui quand il avait appris que Jérusalem était détruit, s’était mis à prier et jeûner pendant plusieurs jours.
Réconciliation nationale
Ce n’est pas la première fois qu’Asmara s’en prend à la communauté catholique. Les érythréens appartiennent en majorité à l’islam sunnite ou à l’Église érythréenne orthodoxe : des monophysites en communion avec leurs homologues égyptiens et éthiopiens (dont ils se sont séparés en respectivement 1952 et 1993). Depuis 2002, cinq religions sont autorisées : l’Église érythréenne orthodoxe, l’Église catholique érythréenne (de rite oriental mais uni avec Rome), les luthériens, un des courants de musulmans sunnites et les chiites.

Femmes devant un centre de santé
Tous vivent sous un régime foncièrement anti-religieux, mais ce sont surtout les évêques catholiques (dit « éparques » comme ils sont de rite oriental) qui malgré leur prudence dans leurs sorties, énervent la dictature. Dans une lettre pastorale d’avril dernier par exemple, ils avaient encore exigé des réformes afin de réduire l’émigration des érythréens et ils appelé à une réconciliation nationale. La saisie récente de leurs centres de soins de santé doit sans doute être interprétée comme un acte de revanche du dictateur Isaias Afewerki et des siens.
Dans une lettre au ministre de la Santé, les éparques précisent que leurs services sociaux ne sont pas une opposition contre l’État. « Le gouvernement peut ne pas apprécier l’Église, mais il ne peut pas s’approprier ses services. » Mais ce n’est pas la première fois que l’État érythréen s’empare de cliniques privées, que les autorités considèrent inutiles car il y a des centres de santé publiques. Un décret de 1995 est régulièrement utilisé pour fermer des projets – dont aussi des écoles – tant musulmans que chrétiens.
Benoit Lannoo