Dans son dernier numéro de mai-juin 2019, le Monde des Religions consacre un long dossier aux rôles des femmes dans les religions. Dans l'histoire et aujourd'hui. Aperçu d'un dossier qui fait écho à une actualité qui s'impose de plus en plus.
Le dossier débute par un article sur les "prêtresses de l'Antiquité". Gaetan Supertino s'est donc intéressé à ces femmes prêtres de Rome à Athènes, en passant par l'Egypte et la Bretagne. Certaines étaient d'ailleurs considérées avec autant d'égard que leurs homologues masculins.
Christ et Bouddha
Ensuite, 6 pages sont consacrées au "printemps des nonnes", mêlant bouddhisme et christianisme. De nombreuses religieuses sembleraient avoir embrassé la cause du mouvement #metoo et revendiquent une plus grande autonomie, déliées de la tutelle masculine oppressante. Une tendance qui se manifesterait donc tant chez les nonnes bouddhistes que chez les religieuses catholiques.
Un débat récurrent
Pour son article intitulé "Femmes diacres et prêtres. Intermittentes du sacerdoce", la journaliste Bénédicte Lutaud a notamment interrogé le père Bernard Pottier, co-auteur avec Alphonse Borras de "La Grace du diaconat" (Lessius, 1998) et membre de la commission d'études sur les femmes diacres, instituée par le pape François en 2016. Cet article revient sur l'histoire du diaconat féminin et ses différentes attestations dans les textes anciens. En Orient, des femmes sont investies depuis le premier siècle. En Occident aussi, mais plus tardivement, des femmes se voient confier un ministère. A savoir si ces femmes étaient alors "ordonnées" ou simplement "bénies" pour assumer ces tâches, les points de vue divergent au sein de la communauté scientifique. Et sur la nature même de ces tâches, différentes selon les époques et les lieux, les avis sont également partagés. Dans les premières années du christianisme, les femmes auraient exercé les mêmes fonctions que leurs homologues masculins, mais vraisemblablement tournées vers les autres femmes de la communauté. Un tournant s'amorce au 11e siècle quand Orient et Occident se séparent. Le diaconat permanent disparaît en Occident au profit d'un diaconat transitoire qui conduit à l'ordination presbytérale. Le sens de l'ordination est également redéfini et entérine l'exclusion des femmes de tous les ordres. C'est lors du Concile Vatican II que le diaconat permanent sera restauré et rendu à nouveau accessible aux hommes mariés ... mais pas aux femmes ! L'argument brandi étant que l'Eglise ne se sent pas autorisée à ordonner des femmes. Or, que ce soit pour l'universitaire américaine Phyllis Zagano, membre également de la commission pontificale, ou pour le père Pottier, cette exclusion, ce rejet des femmes ne peuvent reposer sur la lecture des évangiles. Et ce dernier regrette que des "habitudes de pensées" soient devenues des "a priori théologiques." Convaincu également que, si plus de femmes étaient à la manœuvre dans les instances de l'Eglise, "beaucoup de choses auraient pu être évitées."
(Re)lire aussi notre article "Bientôt des femmes diacres?" du 23 janviers 2019
Religieuse et protestante
Ce numéro du Monde des Religions nous fait également découvrir une communauté très particulière, celle des Diaconesses de Reuilly, fondée en 1854. Aujourd'hui, une soixantaine de femmes ont choisi d'embrasser une vie religieuse tout en conservant leur sensibilité protestante, consacrant l'essentiel de leurs journées à la méditation et à la prière. Le reportage nous montre l'activité des sœurs installées en France mais d'autres sont également présentes au Cameroun, en Norvège et en Polynésie.
Islam et Judaïsme
Après un focus sur le visage féminin du Taoïsme, le dossier se poursuit avec l'Islam et le portrait de la première imame de France Kahina Bahloul, dont le projet de mosquée inclusive a fait beaucoup parler de lui et d'elle ! L'article revient par exemple sur le fait que l'imamat des femmes est autorisé depuis 1400 ans et que la majorité des théologiens musulmans ne contestent pas la légitimité des femmes à devenir imame. Pourtant, le paysage musulman reste majoritairement dominé par les hommes, partout dans le monde. Or, on constate aussi que des jeunes femmes de souche européenne se convertissent à l'Islam après une expérience mystique ou la lecture du Coran. Deux témoignages ont ainsi été récoltés et publiés. Enfin, le dossier se clôture avec le portrait de Daniela Touati, 54 ans, qui a repris des études pour devenir rabbin. Dans la synagogue Kehilat Gescher qu'elle fréquente, beaucoup de femmes osent aujourd'hui porter le talith, châle de prière masculin, et montent parfois aussi à la Torah, un honneur, pour dire la bénédiction.
Le Monde des Religions, Femmes de dieu(x), mai-juin 2019, n°95, 6,90 euros
S.D.