Ce soir-là, les chaines d’info diffusaient en continu un triste drame. En direct, devant les yeux du monde étourdi et impuissant, on observait hébété, la beauté de Notre-Dame de Paris partir en fumée. Ce soir-là rappelait un autre, celui d’une fin de journée de septembre, 18 ans plus tôt. Fort heureusement, les victimes et la folie terroriste en moins. Et ce n’est pas rien.
Ce soir-là, on regardait mourir un symbole sans pouvoir réagir et les lances des centaines de pompiers parisiens présents au chevet de la vieille dame apparaissaient bien dérisoires face au panache des flammes qui s’élevaient dans le ciel en ce premier jour de la semaine pascale.
Puis retentirent ses mots : « Sauver Notre-Dame n’est pas acquis« . Deux heures auparavant, la flèche controversée de Violet Leduc était tombée, creusant un trou béant dans le cœur de la voûte. La forêt disparaissait en cendres. Oui, ce symbole de l’histoire de France et de la chrétienté semblait dès lors bien fragile. Oui, demain, Notre-Dame pouvait ne plus exister. 800 ans d’histoire partaient en fumée en quelques heures et nous restions les bras béants, voyeurs comme toujours.
Et si les flammes de Notre-Dame avaient réveillé la foi en nos âmes hyperconnectées et consuméristes à outrance pour se souvenir enfin d’où on vient ?
Ce soir-là, comme à New-York, les pompiers passèrent la nuit, au péril de leur vie et finirent en héros, applaudis, adulés, honorés. Ils sauvèrent la face et la façade comme s’ils le devaient à tous ceux qui de près ou de plus loin veillaient l’édifice historique, fille de l’histoire et de l’Eglise.
Toute la nuit, zoom fut fait sur les chrétiens, les jeunes nombreux, venus veiller, prier, chanter, les yeux embués. Notre-Dame devait résister et non périr…accidentellement. Sous les projecteurs, sans se cacher, les chrétiens du monde prouvaient que l’Eglise vit encore. Pour une fois depuis longtemps, les catholiques étaient pointés du doigt avec respect et espérance.
Espérance, un mot même repris dans la bouche de ce jeune président catholique défendant pourtant avec verve la laïcité et venu par deux fois au chevet de la vieille dame. Autre symbole. Au matin du Mardi saint, Notre-Dame était brûlée en son cœur, avait perdu son toit, mais était sauvée. Certains y verront un miracle, d’autres un symbole. Celui de ces deux beffrois vaillants, résistants face aux flammes du malin. Les hommes du feu ont combattu pour eux, tel était le défi de cette triste nuit. Notre-Dame garda la face. Inaccessible en rêve pour 5 ans, plus plausiblement pour 10 ou quinze ans, Notre-Dame en larmes a tenu bon, comme un clin d’œil à la marche du temps, à son histoire sans cesse renouvelée.
Peut-être souhaitait-elle juste perdurer en changeant de chapeau, histoire d’être tendance ?! Toujours est-il que ce soir-là, quelque chose s’est passé au-delà de la peur de voir ce patrimoine exceptionnel disparaître. Ce soir-là a vu renaître dans les yeux de beaucoup, la foi peut-être en quelque chose de plus fort que nous, rassembleur, faiseur de paix, contre lequel on ne peut rien et vers lequel on se tourne quand on rêve d’être rassuré. Ce soir-là, Notre-Dame a rallumé la foi en éteignant ses flammes pour mieux renaître. Espérons-le.
Régine KERZMANN