Au milieu des années soixante, une vingtaine de carmels accueillait encore des religieuses de cet Ordre dans la partie francophone du pays et le Grand-Duché de Luxembourg. Aujourd’hui, après la fermeture du carmel de Louvain-la-Neuve, on n’en compte plus que quatre pour une centaine de carmélites. Mais leur spiritualité reste bien vivace.
Les temps sont durs pour les congrégations et autres monastères. En mars, on apprenait que le chapitre des Bénédictines d’Ermeton avait voté la fermeture de son monastère. Puis, les neuf derniers Franciscains de Saint-Trond, qui occupent un couvent en centre-ville depuis 1226, annonçaient à leur tour qu’ils quitteraient prochainement ces bâtiments propriétés de la ville. A chaque fois, les raisons invoquées pour ces fermetures sont les mêmes: communautés vieillissantes et non renouvelées par manque de vocations, charges immobilières devenues insupportables pour des espaces de vie beaucoup trop vastes, inadaptés aux tailles des communautés actuelles. Il en va de même pour les carmélites qui ont quitté Louvain-la-Neuve.
Issues de la communauté de Leuven (fondée en 1607), les sœurs étaient venues s’établir en 1973 en périphérie du nouveau site universitaire, sur la commune de Court-Saint-Etienne. Il sera le dernier carmel ouvert en Belgique. Parmi les motifs qui justifient sa fermeture: une communauté réduite à une dizaine de sœurs – alors que ce couvent avait été configuré pour en accueillir le double – et, surtout pas la moindre nouvelle vocation depuis dix-sept ans!
Huit mois après l’annonce de la fermeture, toutes les carmélites de Louvain-la-Neuve ont retrouvé, « en toute liberté » insiste l’Ordre, une nouvelle communauté. Ainsi, le carmel de Bruxelles (dernier monastère relevant d’un ordre contemplatif encore en activité dans la ville) a accueilli cinq religieuses. Cette consolidation de la présence carmélitaine à Bruxelles répondait aussi au souhait de l’Ordre d’affirmer une présence discrète mais forte au cœur de la capitale belge et européenne. Elles sont désormais seize carmélites, de quatre nationalités différentes, à vivre leur foi au monastère Saint-Joseph et Sainte-Anne, à Saint-Gilles.
Les autres religieuses carmélites sont parties au sud du pays, dans les couvents d’Argenteuil (Waterloo), Floreffe et Boussu, ainsi qu’en France.
Suite à cette réorganisation, les sœurs Hélène et Christiane, respectivement présidente de la Fédération des Carmélites de Belgique-Sud et « archiviste » de l’Ordre, ont accepté de témoigner.
Comment résumer la spécificité de votre communauté carmélitaine?
Etre carmélite, c’est d’abord un style de vie marqué par l’oraison, au moins deux heures par jour, et la fraternité. Un mode de vie à la fois communautaire et érémitique. Nous n’avons pas d’apostolat extérieur. Nos communautés sont restreintes pour permettre aux sœurs de se connaître vraiment, afin que de nos échanges, que ce soit dans la prière ou le travail, puissent éclater la spontanéité et la joie.
Comme dans la plupart des ordres contemplatifs, les vocations se font rares. Quelle est la situation pour les carmélites dans votre fédération?
Dans notre couvent de Bruxelles, sœur Teresa, de nationalité vietnamienne, a prononcé ses vœux définitifs en 2016. A Argenteuil, deux sœurs, une Belge et l’autre Sénégalaise, ont fait de même il y a trois ans, et dans notre carmel de Boussu, deux postulantes sont en formation. Pour intégrer notre Ordre, pas moins de douze années sont exigées entre le postulat et le prononcé des vœux définitifs. Le temps de vérifier, d’éprouver un engagement dans la durée – ce que l’on appelle aussi la stabilité – et de dépasser le sentiment de peur de se retrouver dans le silence, face à soi-même.
Vous dites volontiers « vivre en retrait du monde mais pas isolé »…
Nous sommes informés de ce qui se passe dans le monde mais nous avons un grand besoin de préserver des espaces de silence, de paix intérieure qui sont essentiels pour vivre pleinement notre spiritualité. Depuis trois ans, une fois par mois, nous organisons à Bruxelles le samedi matin pendant deux heures une « Ecole d’Oraison » dans l’esprit carmélitain. A cette occasion, une vingtaine de personnes nous rejoint pour prier dans notre chapelle. Une chapelle où la communauté se retrouve à sept reprises pendant la journée à partir de 6h45.
Propos recueillis par Hugo LEBLUD