Le roi Philippe et la reine Mathilde s'envolent vers la Corée du Sud pour un déplacement officiel de quatre jours, du 25 au 28 mars. Ils emmènent avec eux une délégation d'hommes et de femmes d'affaires, ainsi que des représentants du monde académique.
Il s'agit de la quatrième Visite d'Etat des souverains belges en Asie, après la Chine (2014), le Japon (2016) et l'Inde (2017). Les relations bilatérales sont jugées excellentes entre les deux Etats démocratiques.
L'une des particularités de ce pays coincé entre les voisins encombrants que sont la Chine et le Japon, c'est la frontière "démilitarisée" qui le sépare en deux. Le nord se trouve aux mains du dirigeant suprême Kim Jong-un, tandis que le sud connaît un régime démocratique récent. La présence américaine, qualifiée d'occupation par certains, lui vaut d'ailleurs le surnom de "petite Amérique" auprès de sa diaspora. Il y a près d'un an, en avril 2018, les dirigeants des deux Corée se sont rencontrés lors d'un sommet interétatique; la rencontre fut prometteuse en terme de dénucléarisation. Si la paix semble se profiler entre les deux nations sœurs en guerre, elle ne serait pas du goût des puissances économiques que sont la Chine et les Etats-Unis, selon certains observateurs. Après l'échec du deuxième sommet entre le président Trump et Kim Jong-un en février dernier, il est prévu que les chefs de la défense de la Corée du Sud et des Etats-Unis se rencontrent en avril prochain, afin de resserrer leurs liens face aux spectres de l'insécurité.
Un lien avec la Belgique
En 1992 déjà, le roi Baudouin effectuait sa dernière visite d'Etat lointaine en Corée du Sud. Il s'agissait alors d'une manière de soutenir la jeune nation, trois fois plus grande que la Belgique. Cette fois également, la visite comporte une dimension historique, avec un hommage rendu aux militaires belges ayant participé à la guerre de Corée. En effet, des volontaires belges y ont combattu sous la bannière des Nations Unies, dans le prolongement du Deuxième conflit mondial. Encore aujourd'hui, la Fraternelle Royale du Corps de Volontaires pour la Corée rend compte de cet engagement.
Une page d'histoire contemporaine
En 1945, la reddition du Japon signifie aussi la fin d'une occupation longue de 35 ans. La même année, la Corée est coupée en deux : le nord passe sous l'emprise russe, tandis que le sud se trouve sous influence américaine. Cinq ans plus tard, la Corée du Nord déclenche les hostilités en Corée du Sud; débutent alors trois années de conflit armé, au cours desquelles le Conseil de Sécurité des Nations-Unies apportera son soutien militaire à la Corée du Sud par l'envoi de forces armées originaires de quinze pays, dont la Belgique. Exsangue à la fin du conflit, la Corée du Sud s'est trouvée privée de l'apport des matières premières et des industries localisées dans le nord… Aussi les impératifs d'une industrialisation performante vont-ils s'imposer et entraîner le développement d'activités sophistiquées, à haute valeur commerciale pour l'exportation.
Un partenaire économique
Quatrième partenaire économique de la Belgique en Asie, la Corée du Sud appartient aux quatre dragons (à côté de Hong Kong, de Singapour et de Taïwan), qui ont insufflé un nouveau souffle économique à la région asiatique grâce à une industrialisation accrue. A la vague des dragons a succédé celle des tigres asiatiques, composée des nouveaux pays exportateurs ou émergents (la Thaïlande, la Malaisie, l'Indonésie, le Viêt Nam et les Philippines). Le scandale de corruption qui a entaché le conglomérat Samsung (2016-2017) est encore dans toutes les mémoires. Il a suscité une réflexion et la promotion de structures de gestion à taille différente, moins colossale. C'est ainsi que les PME sont davantage mises en valeur. Un parallèle avec la structure économique belge peut ainsi être établi.
Une course à la performance
Dans une société hyperconnectée et largement citadine, l'apparence occupe une place prépondérante, avec une codification extrême des tenues vestimentaires ou des attitudes. Les maladies de l'âme y sont prohibées, apparaissant comme une faille dangereuse et répréhensible. Du côté des démons du pays, le nombre de suicidés y est conséquent et le niveau de natalité particulièrement faible, au point que la crise démographique pourrait mettre en péril la réussite du modèle économique dans la prochaine décennie, en raison notamment du nombre conséquent de retraites à financer. La diminution de la population active a entraîné un recours accru à la robotique et au développement de l'intelligence artificielle. Hiérarchisée à l'extrême, la société y est aussi soumise aux diktats de la consommation. "Quand on dit qu'on sort, cela veut dire que l'on va dépenser", précise une jeune Coréenne installée en Belgique. "Avec la guerre, tout était détruit et il a fallu reconstruire l'ensemble du pays. Depuis, les achats sont devenus habituels!" Une telle frénésie mercantile se trouve encore accentuée par les revenus des jeunes Coréens, au niveau de formation élevé. En effet, durant les années qui ont suivi le conflit intercoréen, le maintien du niveau d'instruction s'était imposé comme une priorité. Toutefois, certains relèvent que l'esprit anticommuniste n'a pas été sans nourrir un système éducatif profondément compétitif et onéreux. La création de postes correspondant aux exigences de ce public universitaire est une autre contrainte, tandis que les emplois subalternes sont occupés par des travailleurs d'origine, le plus souvent, étrangère. Mieux formées que leurs contemporains masculins, les jeunes femmes sont encore soumises à des pratiques sexistes.
D'un point de vue philosophique, la Corée du Sud est empreinte de morale confucéenne jugée conformiste. C'est là aussi qu'est enregistrée la plus grande représentation de chrétiens en Asie, avec près d'un tiers de la population. Quant aux catholiques, ils représentent moins d'un dixième de la population.
Angélique TASIAUX
Photos : source Pixabay CCO