Dans une société où s’échangent textes et messages sur ces fameuses autoroutes de l’information, beaucoup d’entre nous restent en rade: les illettrés, incapables de suivre, porteurs d’une étiquette infamante. Ce n’est pourtant pas une fatalité. Juste une question de volonté politique pour le professeur Philippe Hambye.
Prendre un livre ou un magazine et passer un bon moment à se cultiver, à se divertir. Un geste aussi banal que celui de répondre à un questionnaire pour un concours ou d’écrire un poème à une amoureuse. Banal? Force est de constater que cette démarche constitue toujours un écueil pour une part de la population belge. Une minorité silencieuse, évaluée côté francophone à quelque 600.000 personnes, qui n’ose pas dévoiler cette honte d’être incapable de maîtriser par écrit la langue française. Un illettrisme vécu comme une marque au fer rouge gravée sur leur front. Un échec tout aussi handicapant pour la personne atteinte que la fracture numérique, sujet d’un précédent article. Sinon davantage. Car comment imaginer une vie dont chaque démarche au quotidien constitue un terrible obstacle. Ne pas savoir lire un horaire de bus, gérer un budget, éplucher une facture, voter… Les exemples sont légion. Tout concourt à faire de l’illettrisme une discrimination, certes moins voyante que la couleur de peau, mais tout aussi pénible. Etre un adulte illettré signifie aussi ne pas pouvoir suivre la scolarité des enfants, ne pas les accompagner dans l’apprentissage, difficile, de la lecture et de l’écriture. Une précarité qui constitue aussi un frein à l’emploi. Héréditaire, transmise de génération en génération.
Dans l’entretien accordé à Dimanche, le professeur Philippe Hambye expose, non sans une certaine révolte, les fractures qui attendent les enfants nés dans une famille précaire où les parents ne peuvent amener les enfants vers le succès.
Un récent rapport a ciblé les jeunes générations, dont une proportion non négligeable d’enfants et de jeunes adolescents largués dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Selon les chiffres diffusés par l’association Changement pour l’égalité, un élève sur quatre quittera l’école sans pouvoir maîtriser la lecture et l’écriture. Une situation d’échec qui le suivra toute sa vie et qui se transmettra aux futures générations, comme une tare familiale.
Philippe DEGOUY