Ils sont une dizaine, garçons et filles. Ils ont sept ou huit ans et seront baptisés très bientôt.
Eux-mêmes l’ont demandé. Oh, je sais qu’il est difficile de démêler ces désirs! A sept ans, on ne comprend pas bien (mais comprend-on jamais?) ce qu’est une promesse, un changement de cœur. On devine un peu ce que signifie "s’attacher à Jésus". On voudrait communier avec les autres. On aime beaucoup entrer dans l’église (quand elle est ouverte), et faire une prière avec maman. Et puis, Madame de religion parle de Jésus avec tant d’admiration qu’elle donne envie d’être comme elle.
Pour préparer le baptême de ces enfants, nous nous sommes réunis un soir, entre grandes personnes. Ce fut merveilleux.
Il y avait Jacques, arrivé en retard ("Mais vous ne savez donc pas comment travaillent les patrons japonais!"). Il a dit tout simplement que sa femme et lui avaient raté la première marche, le baptême de leurs deux petits. Ce fut sans cesse remis. Par mépris des valeurs religieuses? Absolument pas. Mais la vie va si vite. On court, on court...
Il y avait une Nicole. Les yeux pleins de larmes, elle a dit: "J’ai lutté pour obtenir un mariage à l’église. Le baptême de Laetitia, c’était trop demander à mon mari!"
Il y avait une pharmacienne, une institutrice. Il y avait surtout une tendre et franche atmosphère et la ferveur de gens pas très sûrs d’eux-mêmes, cherchant modestement la meilleure voie.
Il y avait encore une Catherine. Une timide Catherine. Elle avait couru toutes les librairies du coin à la recherche de livres pour célébrer l’entrée en Eglise. Elle les avait épluchés et traduits pour ses deux gamines. Dans sa candeur, elle nous a confié une réflexion solide comme du roc, une conviction chaleureuse comme le feu. "Ce qui m’arrête, a-t-elle dit, soudainement fougueuse, ne se situe pas du côté ‘savoir’ de mes petites. Elles connaissent Jésus et son histoire mieux que moi. Elles m’en apprennent sur la religion. Au fond, il y a autre chose qui me gêne beaucoup: elles n’arrivent pas à pardonner!"
Griffonnant le papier posé sur mes genoux, je suis resté muet d’admiration. Les autres aussi. Cette Catherine avait compris le poids du baptême. Le vrai. Celui qui change le cœur quand on le vit avec courage. Je n’étais qu’un pauvre théoricien de la foi. Elle, c’était une croyante. J’ai refermé ma farde et mon programme en trois leçons...
L’essentiel nous manque toujours!
Mais Catherine l’avait.
Plus que moi!
Chante et danse la bohème
Pour célébrer le baptême de leur bébé, les parents choisissent souvent le passage de l’Evangile où l’on voit les enfants écartés par les Apôtres mais, au contraire, accueillis par Jésus. Le Maître proteste, en effet: "Qu’ils viennent donc chez moi, ces petits! Mon royaume leur va si bien. Mon domaine est pour eux et pour ceux qui leur ressemblent..." Faisons gaffe: son admiration ne s’adresse pas à la prétendue innocence des enfants. Mais il apprécie plutôt leur confiance native en celui qui est plus grand qu’eux.
Tous, nous voilà invités à partager cette confiance-là. Avec Jésus, nous deviendrons alors détendus et paisibles et, comme lui, nous serons heureux de vivre.
Alors, faut-il que nous en devenions insouciants et bohèmes? Pas du tout! Nous avons bien le droit d’avoir des inquiétudes. Nous devons prévoir les "sinistres" comme le proclame la publicité de nos chers assureurs. Il nous faut mettre de côté quelques réserves pour nos vieux jours.
Ce qui énerve Jésus, c’est l’angoisse du lendemain, quand elle se fait dominatrice. Même avec des tranquillisants. La paix véritable ne se découvre que dans une relation profonde avec Dieu. Un Dieu qui est Père, mais que la Bible dit tendre comme une Maman. "Cherchez tout cela d’abord – c’est-à-dire primordialement. Pour le reste, on verra…"
Savoir que derrière l’oiseau joyeux, il y a une connivence divine. Que derrière toi et moi, il y a une montagne de tendresse: quel repos!