Des femmes, premières à être concernées par toutes les violences, nous livrent leur combat au travers de nouvelles écrites par l’homme politique turc Selahattin Demirtas.
Ex-président du HDP (Parti démocratique des peuples), Selahattin Demirtas est incarcéré à Edrine en Turquie depuis le 4 novembre 2016. C’est derrière les barreaux d’une prison de type F (là où sont mis à l’isolement les opposants politiques) qu’il a écrit ce recueil de douze nouvelles. Le ton est donné dès la première. « Le mâle qui est en nous » dépeint la dureté du milieu carcéral et la détermination d’une femelle moineau avec qui le prisonnier entretient un dialogue.
Le livre a réussi à déjouer la censure et le succès a été immédiat. Il s’est vendu à plus de 180.000 exemplaires depuis sa parution, en septembre 2017. Selahattin Demirtas dédicace son recueil de nouvelles « à toutes les femmes assassinées, à toutes celles victimes de violences… » à qui il donne la parole. Des voix empreintes de liberté acquise ou à gagner, de courage, de détermination mais parfois de résignation. Le crime d’honneur, le travail des enfants, la violence d’état, l’exil et la guerre dans la Turquie et la Syrie d’aujourd’hui sont contés par l’homme qui poursuit son engagement pour les minorités en tant qu’écrivain. L’écriture est légère. Il s’y glisse parfois une pointe d’humour mais toujours teintée de poésie. C’est le cœur de femmes et d’hommes qu’on entend rêver, aimer, se révolter, résister jusqu’à parfois cesser de battre. Le nôtre est touché.
L’éditrice française, Emmanuelle Collas, portée par la conviction que la littérature peut être une forme de résistance, a décidé de publier ce texte engagé. En ajoutant un ‘L’ au titre original Seher (qui signifie ‘aurore’ en turc), ce recueil prend un sens politique fort en faisant référence au nom du journal dans lequel Zola a écrit son « J’accuse ». Aurore, c’est aussi le nom de la jeune femme de la deuxième nouvelle, à qui des hommes volent les rêves de jeune fille amoureuse et la vie pour sauver leur honneur. C’est enfin l’aurore qui se lève à la fin du récit, porteuse d’un jour nouveau sur cette partie du monde.
Entendons les cris d’espoir. Ouvrons notre cœur aux libertés bafouées pour que toutes ces dures réalités ne restent pas étouffées et cachées. Osons accuser.
Catherine DELPERDANGE – Librairie CDD Arlon
Rue de Bastogne, 46 – 6700 Arlon
cddarlon@gmail.com – 063 21 86 11
Selahattin DEMIRTAS, « L’aurore ». Editions Emmanuelle Collas, septembre 2018, 192 pages – 15€ – remise de 5% sur présentation ou évocation de cet article.