Surnommé le roi chevalier, Albert Ier fit une entrée triomphante à Bruxelles le 22 novembre 1918. Le discours prononcé à cette occasion scella les prémices du suffrage universel et les bases d’une nouvelle conception de la société après les horreurs des tranchées.
En 1918, la Joyeuse Entrée des souverains belges n’est pas seulement festive. Elle comprend également un important volet politique. Au Palais de la Nation, le roi prononce le remarqué discours du Trône, qui résulte pour partie des nombreux contacts qu’il a noués au château de Lophem, en Flandre occidentale, entre le 11 et le 21 novembre. Albert Ier y a reçu des personnalités issues des partis catholique, libéral et socialiste, ainsi que divers ambassadeurs et des représentants du Comité national de Secours et d’Alimentation. Un nouveau gouvernement tripartite, dirigé par le catholique Léon Delacroix, suivra ces échanges.
Dans son discours, le roi Albert souligne que « l’égalité dans la souffrance et dans l’endurance a créé des droits égaux à l’expression des aspiration publiques. Le Gouvernement proposera aux Chambres, dans un accord patriotique, (…) de réaliser la consultation nationale sur la base du suffrage égal pour tous les homes dès l’âge de la maturité requise pour l’exercice des droits civils ». Ce texte sera suivi d’un effet immédiat, puisqu’un an plus tard, lors des élections législatives du 16 novembre 1919, tout citoyen belge de sexe masculin dispose d’une (et d’une seule) voix. Les veuves de guerre non remariées et les mères de soldats décédés à la guerre qui sont veuves ont également le droit de vote, en tant que représentantes du mort. Les seules femmes à disposer du droit de vote en leur propre nom sont celles qui ont été emprisonnées pendant l’occupation pour avoir accompli un acte patriotique. Parmi les autres mesures annoncées dans le discours du Trône figurent la loi des huit heures, des mesures contre l’alcoolisme, l’élection des nouvelles Chambres au suffrage universel sans révision constitutionnelle préalable. Albert Ier annonce également la suppression de l’article 310 du Code pénal – qui était un obstacle au droit de grève –, l’égalité entre Flamands et Wallons, ainsi que la création d’une université en langue néerlandaise à Gand, une promesse qui ne sera concrétisée qu’en 1930. En novembre 1918, la Belgique ne dit pas seulement adieu à la guerre. Elle dit aussi adieu au XIXe siècle, indique-t-on dans une rétrospective présentée au musée Belvue.
Pour commémorer l’événement, 100 ans plus tard, le roi Philippe assiste à une séance académique organisée par le Parlement fédéral, où il visite également l’exposition « Les couleurs de la libération – la tapisserie raconte ».
A. T.