Le 1er novembre à Beyrouth, dans l’Université Saint-Joseph fondée par les jésuites, s’est tenu une cérémonie d’hommage au célèbre confrère italien disparu le 29 juillet 2013 à Raqqa en Syrie. Par ailleurs, un remarquable travail d’enquête menée par le journal La Croix apporte aujourd’hui de nouveaux éléments sur sa disparition.
Le bouillonnant fondateur de la communauté de Mar Moussa, cultivant l'amitié inter-religieuse, aurait eu 64 ans ce 17 novembre mais il n’est plus réapparu depuis sa visite au siège de Daech voici plus de cinq ans. Quel a été le sort réservé à ce jusqu'au-boutiste de la réconciliation, prêt à donner sa vie pour ceux qu’il aimait, tant la guerre en Syrie déchirait son âme?
Toujours aucune certitude. Néanmoins, quoique peu annoncé, l’hommage organisé dans la capitale libanaise en présence de l’ambassadeur d’Italie, du nonce apostolique et de divers archevêques aux côtés du recteur de l’université et de deux supérieurs régionaux jésuites ne signifie-t-elle pas l’abandon de tout espoir de revoir le prêtre? Même s’il reste vivant dans les mémoires et les cœurs de ses proches.
C’est pourtant un homme de cette envergure dont la Syrie aurait besoin aujourd’hui plus que jamais, Abuna Paolo, cette "voix forte qui dérangeait comme celle de certains prophètes dont le destin était de parler, d’élever la voix, de rugir contre les injustices et de crier pour le bien", a rappelé Salim Daccache s.j., recteur de l’USJ. Justement, Paolo avait été expulsé de Syrie en 2012 après avoir pris ouvertement parti pour la révolution syrienne.
Un mystère soigneusement gardé
L'enquête publiée le 15 novembre par le journal La Croix pointe le silence des autorités italiennes, accusées d’entretenir des liens avec le régime de Bachar et la libération par les forces kurdes alliées à la coalition occidentale d’un des principaux suspects au sein de l'Etat islamique Des témoins essentiels comme les deux dernières personnes qui ont logé ou accompagné Paolo Dall’Oglio jusqu’au siège de Daech le jour de sa disparition s’étonnent de n’avoir jamais été entendus. L’un d’eux était le dépositaire des précieux effets personnels du prêtre, dont des carnets avec codes d’accès, une tablette et des GSM entretemps revendus, copiés, formatés, finalement remis à l’ambassade d’Italie en France en 2014. Ni la communauté, ni la famille n’en seront alors informées.
L’inaction fustigée par La Croix étonne d’autant que des journalistes italiens, otages de Daech, ont pu être libérés moyennant paiement de rançons importantes.
Quant au Vatican, comment comprendre l’ "appel affecté et pressant pour la libération de ce religieux estimé" lancé par le pape fin juillet 2015 s’il n’y avait eu des indices de vie? Aujourd’hui, François suit personnellement cette affaire face à une église partagée sur les positions politiques prises par celui qui aurait pu devenir l’icône de la révolution. On se souvient du soutien apporté par de nombreux chrétiens syriens, sous la houlette d’ecclésiastiques liés au régime. La Croix reprend les mots de l’ancien provincial de la Compagnie de Jésus au Proche-Orient au moment des faits, le père Victor Assouad, qui, face au silence, "déplore le manque de volonté au niveau politique. Tout le monde a intérêt à ce que la lumière ne soit pas faite".
Béatrice PETIT