Le 11 juillet 2008, Bernadette Moriau, religieuse de 69 ans, retrouve l’usage de ses jambes. Une guérison miraculeuse qui a été reconnue le 11 février de cette année, soit dix ans après les faits. Cette sœur francisacine parle de sa guérison et de sa nouvelle vie dans le livre « Ma vie est un miracle ». Rencontre avec la 70e miraculée de Lourdes.
Originaire du nord de la France, Bernadette Moriau a toujours eu une relation particulière avec le sanctuaire marial de Lourdes. Issue d’une famille pieuse, elle priait beaucoup avec le chapelet et a donc baigné très vite dans cette prière mariale toute simple. Elle a de plus découvert la cité des Pyrénées dès ses 11 ans, pour sa profession de foi. Au cours des années, sa foi s’est affermie au point de sentir un appel… Elle prononcera ses vœux perpétuels en 1965, chez les Franciscaines du Sacré-Cœur. La même année, elle obtient son diplôme d’infirmière. Mais elle n’exercera pas très longtemps. En 1968, elle est opérée en raison de lombosciatiques à répétition. Le mal s’aggrave. On diagnostique le syndrome de la queue de cheval qui est une atteinte des racines nerveuses lombaires sacrées et bilatérales et qui conduit progressivement à la paralysie. Elle en souffrira pendant 40 ans.
Qu’est-ce qui vous a décidé à partir à Lourdes cet été 2008?
A cette époque, je me déplaçais très peu et j’étais appareillée avec un traitement de morphine à cause des douleurs. C’est mon médecin traitant qui m’a proposé de faire le pèlerinage à Lourdes avec les malades. Cela a été pour moi un appel parce que c’était les 150 ans des Apparitions et que je m’appelle Bernadette. Je pensais que ça pouvait être une grâce.
Et que s’est-il passé là-bas?
En fait, je suis rentrée de Lourdes comme j’étais partie. Mais j’avais fait une expérience très forte pendant la procession du Saint-Sacrement et la bénédiction des malades. J’ai vraiment senti cette présence de Jésus vivant dans l’eucharistie. Et cette voix intérieure dans la prière qui me disait: « Je marche au milieu de vous, je vois ta souffrance, celle de tes frères et sœurs malades et demande-moi tout ». Je n’ai pas demandé la guérison pour moi mais pour les malades qui étaient à côté de moi et, particulièrement, les plus jeunes. Je suis revenue de Lourdes dans une paix et une joie très profondes.
Mais toujours paralysée?
Oui. C’est à Bresles, là où se trouve ma fraternité, que l’inattendu s’est produit, le 11 juillet. Nous avions l’adoration dans notre chapelle et c’était à la même heure que la bénédiction des malades à Lourdes. J’étais à la chapelle avec une de mes sœurs et puis, à 17h45, j’ai revécu ce que j’avais vécu à Lourdes. Puis j’ai ressenti dans mon corps une détente et une chaleur qui m’ont envahie. J’ai terminé ma prière et je suis rentrée dans ma chambre. Là, j’ai entendu une voix intérieure qui m’a dit: « Enlève tes appareils. » Je n’ai pas raisonné, j’ai pensé à l’évangile où Jésus dit au paralytique: « Lève-toi, prends ton grabat et marche. » Et, dans un acte de foi, j’ai enlevé l’appareillage de mon pied qui était tordu et mon pied était redressé. Du coup, j’ai enlevé le corset qui me prenait tout le corps, et je pouvais bouger sans douleurs. J’ai été à la rencontre de la sœur et lui ai dit: « Je ne sais pas ce qui se passe. » On a prié et j’ai beaucoup pleuré. J’ai ensuite arrêté le neuro-stimulateur qui est un appareil à l’intérieur du corps qui envoie du courant dans les jambes pour calmer les douleurs neurologiques. Puis, j’ai arrêté la morphine et tout le reste… Le lendemain, j’ai marché 5 km dans la forêt. J’ai alors compris que j’étais guérie.
Mais quand vous appelez vos supérieurs, ils vous demandent de ne pas l’ébruiter. Et, paradoxalement, vous verrez ensuite plus de médecins que lorsque vous étiez malade. Pour quelles raisons?
Parce qu’il faut que tout soit contrôlé scientifiquement, s’assurer que cela ne va pas recommencer, que je n’ai pas eu de traitements. Il faut aussi refaire les examens pour comparer l’avant et l’après. J’ai aussi vu beaucoup de psychiatres. Je pense que la durée est importante, même s’il est vrai que cela ressemble un peu à un parcours du combattant.
Il a fallu dix ans pour expliquer l’inexplicable dans l’état actuel de nos connaissances scientifiques. Dans votre livre vous vous demandez: pourquoi moi? Dans un chapitre entier, vous évoquez aussi tous ces malades qui font le déplacement à Lourdes en attendant peut-être d’un signe de guérison ou autre. Est-ce difficile, pour vous qui marchez aujourd’hui, de parler à ces gens-là?
Oui et non. Je constate que quand je parle aux malades, il se passe quelque chose. A la fin, ils me disent que je leur ai donné une espérance et qu’ils repartent avec plus de courage. Parce que, en fait, si on ne revient pas de Lourdes guéri physiquement, je pense qu’on n’en revient jamais indemne et qu’il y a toujours cette grâce intérieure qui nous aide à avancer. Je dis toujours que le plus grand miracle, ce n’est pas moi. Le plus grand miracle, c’est toutes ces guérisons intérieures qui se vivent à Lourdes, c’est cette dimension fraternelle qui existe là-bas. Il n’y a plus de différence entre les malades et les bien-portants, entre les soignants et les pèlerins. Nous faisons tous partie d’une même famille et le malade est mis à l’honneur, encouragé et servi. C’est là une très grande force. Si on pouvait vivre ça dans notre monde, je crois qu’il y aurait moins de personnes isolées, moins de souffrance.
Vous décrivez aussi dans votre livre des petits bonheurs, avec d’humour, comme rouler au-delà des 80 km/h! Autant de petites touches personnelles qui révèlent votre caractère.
J’ai un tempérament actif et je me suis toujours battue pour m’en sortir. Et c’est vrai que maintenant, j’ai une vie un peu trop mouvementée! Mais je le fais pour témoigner de cette grâce. Mais, pourquoi moi? C’est vrai que la question reste entière parce que, pour moi, cela reste un mystère, je ne comprends pas. Et, en même temps, je me dis que c’est un don qui a été fait à l’Eglise et que j’ai reçu cette mission de l’Eglise de témoigner autour de moi et partout là où on m’envoie, des merveilles de Dieu et que cette grâce est de toujours garder l’espérance, que rien n’est jamais fini pour Dieu et que rien n’est impossible à Dieu.
Vous êtes l’instrument, pas la finalité.
Je suis un instrument, oui.
Mais quand vous vous rendez à Lourdes, vous êtes la star…
Oui, mais je m’en défends parce que je ne veux pas qu’on m’appelle la star. Je reste sœur Bernadette, une petite sœur franciscaine et puis, me donner aux autres comme je l’ai toujours été. C’est vrai que les gens ont un certain regard sur moi parce que je suis quelqu’un qui a été touché, comme eux, quand ils passent à la grotte et qu’ils touchent le rocher. Pour toucher ce lieu, la Vierge a posé les pieds. Et en même temps, je m’en défends, parce que je ne suis pas une guérisseuse. J’ai un mouvement de recul en disant: je ne suis pas une guérisseuse, moi, je ne peux pas vous bénir, je n’ai pas cette mission mais, par contre, je peux prier pour vous. Je pense qu’il faut rester à sa place.
Propos recueillis par Léo POTIER
© RCF-Bruxelles
Bernadette Moriau, « Ma vie est un miracle ». Ed JC Lattès, septembre 2018, 270 pages