Hasard du calendrier, les deux revues françaises Lire et Le Monde des Religions consacrent la une de leur numéro de novembre respectivement au « Message de Jésus » et à la Bible. Deux dossiers qui loin d’être redondants sont tout à fait complémentaires et nous proposent, à travers des points de vue variés, de (re)découvrir un récit millénaire qui n’a pas fini de faire parler de lui!
Dans son édito, le rédacteur en chef du magazine Lire donne le ton : « S’il y a bien un ouvrage qui mérite le statut de « livre culte », c’est assurément la Bible. » Trêve de plaisanterie, l’objectif du dossier est d’envisager la Bible sous son angle littéraire en tant que pièce maîtresse des lettres. En effet, il n’est pas encore né l’auteur qui parviendra à détrôner le succès et la longévité des saintes écritures. Néanmoins, ils sont nombreux à les avoir lues, commentées, (ré)interprétées. Qu’ils s’en détachent, la rejettent ou y puisent l’inspiration, la plupart des auteurs classiques – et contemporains – ont été façonnés par la Bible et certains de ces récits en particulier. Et cette fascination dépasse même le cadre strictement littéraire puisque le grand psychanalyste Freud s’est lui-même livré à l’exercice de l’analyse de l’histoire de Moïse.
Un dossier dynamique
En une dizaine de page, le mensuel Lire parvient à croiser les points de vue et les questionnements sur la Bible, rappelant, pour qui ne le sait pas encore, qu’elle fut le premier livre imprimé de l’Histoire de l’Humanité, par Gutenberg en 1455. De cette approche abordant la Bible comme objet éditorial, découle un certain nombre de questions comme celle-ci : comment a-t-elle été traduite (hier et aujourd’hui) ? Un dossier dynamique, comprenant de nombreux repères et définitions. On pointera une interview éclairante de Frédéric Boyer, qui a édité en 2001 une nouvelle traduction de la Bible (contestée par certains). Une plongée dans la richesse du vocabulaire et des expressions bibliques désormais parties intégrantes du langage courant, même pour les non-initiés, et un retour sur un succès éditorial de (très) longue haleine. Jamais détronée (Mao et Harry Potter ont encore du chemin à faire), la Bible est, au jour d’aujourd’hui, traduite en plus de 2500 langues et se vend dans le monde entier à un chiffre record de 30 millions d’exemplaires par an! Il n’est pas encore né l’auteur qui…
Défaut de transmission?
Pour Andreas Dettwiler, « L’église a trahi à maintes reprises le message de Jésus. » Son avis est mis en parallèle avec celui de deux autres spécialistes autour de la question « comment retrouver le Jésus historique? » Plus scientifique et théologique, Le Monde des Religions entend donc faire la lumière sur les vérités et manipulations autour du message de Jésus et se concentre sur la notion de « transmission » (ou tradition) qui a pu donner mille visages au Messie. L’ambition est donc de donner la parole aux érudits pour disposer de clés de compréhension des textes bibliques et … leur rester fidèles. Le dossier débute par une mise au point sur les « faux scoops et les vraies recherches » dans cette inlassable quête des paroles perdues de Jésus. Aurélia Hetzel, chercheuse en littératures comparées et en sciences religieuses, nous livre un intéressant article sur la forme littéraire des paroles et paraboles du Christ. Il aurait été dommage en effet de ne pas ouvrir les pages de ce dossier à Christine Pedotti qui vient de sortir en librairie un « Jésus, l’homme qui préférait les femmes », remettant en cause les lectures strictement masculines des Evangiles. Enfin, signalons également un reportage interpellant sur des évangéliques apprentis-archéologues qui mènent des recherches en Palestine pour tenter d’identifier les sites et lieux liés à Jésus et mentionnés dans la Bible. Recherches motivées par le besoin de démontrer la pertinence de leur vision messianique. Le danger réside dans le fait que ces groupes évangéliques mêlent croyance et politique en légitimant l’occupation israélienne des territoires palestiniens, jugée nécessaire pour le retour du Messie.
A se procurer dès aujourd’hui dans toutes les bonnes librairies comme dit la formule consacrée!
S.D.