Avec Le souffle volé, le cinéaste belge Daniël Lambo tente de percer les derniers secrets du scandale lié à l’amiante. Son enquête l’amène à Kapelle-op-den-Bos mais également au centre de l’Inde, où l’amiante fait toujours des victimes.
Le scandale de l’amiante. On en parle beaucoup moins aujourd’hui mais il est encore frais dans les mémoires. A la manière d’un enquêteur, le réalisateur belge Daniël Lambo réveille ici la polémique. Ce Néerlandophone parle en connaissance de cause. Il est né et a grandi à Kapelle-op-den-Bos, commune de 10.000 habitants située à 20 kilomètres au nord de Bruxelles. C’est là que son père, tout comme des centaines d’autres habitants, se rendait chaque matin à l’usine Eternit, située à cent mètres de la maison. Nous sommes dans les années 60. En quelques années, cette société belge est devenue la plus grande multinationale au monde dans le secteur des matériaux de construction à base d’amiante. Révolutionnaire pour son faible coût de production et sa solidité à toute épreuve, ces tôles, conduits de cheminée, gouttières ou encore dalles de carrelage furent installés dans des écoles, des maisons, des grands bâtiments ou même au Berlaymont, siège de la Commission européenne. La direction d’Eternit n’avait jamais confié à l’époque les dangers liés à l’amiante: sa texture fibreuse extrêmement fine pénètre dans l’organisme. Le simple fait de respirer à proximité de fibres d’amiante peut mener à terme à des cancers du poumon, du larynx, de l’estomac ou du colon, parfois 10 à 40 ans après avoir été en contact. De nombreux Belges sont décédés à cause de ce produit.
Toujours pas d’interdiction mondiale
Dans le premier volet de son enquête, le réalisateur se rend à Kapelle-op-den-Bos pour comprendre comment l’entreprise a pu cacher la vérité. Il tente également de savoir pourquoi les habitants, dont de nombreux proches, n’osent plus évoquer la polémique. Bannie depuis 1998 en Belgique, l’amiante continue de faire des ravages dans les pays en développement. C’est le deuxième volet de l’enquête. Pour consolider ses activités, la société Eternit a exploité des usines dans de nombreux pays, dont les plus importantes sont situées en Inde centrale. Le réalisateur part à la rencontre de centaines d’Indiens résidant dans une zone considérée comme une des plus grandes décharges d’amiante au monde. Aujourd’hui, des personnes se battent toujours pour obtenir une interdiction de l’amiante au niveau mondial…
Là où les documentaires informatifs peuvent se montrer rébarbatifs, Le souffle volé est captivant de bout en bout. D’abord car il touche une thématique très belge; ensuite parce que la combinaison entre l’histoire personnelle du réalisateur Daniël Lambo et l’enquête offre des rebondissements inattendus. Et puis, le scandale de l’amiante est aussi une histoire à dimension humaine. Tel le mythe de David contre Goliath, de nombreuses familles se battent encore aujourd’hui pour faire connaître leurs droits. Le groupe Eternit n’a pas souhaité répondre aux questions du réalisateur alors qu’aujourd’hui encore, de nombreuses écoles et bâtiments en Belgique et ailleurs contiennent toujours de l’amiante.
Géry BRUSSELMANS