
Pascal Vrebos en bonne compagnie pour un « royal selfie ».
Figure emblématique de la radio et de la télévision depuis plus de trente ans, des antennes de Bruxelles 21 à celles de Bel-RTL, avec son ton ironique mais jamais inutilement agressif, Pascal Vrebos ravit, et peut-être en agace certains. Mais notre homme, au-delà de l’image et de la voix, se révèle sans ambages dans une écriture parfois acerbe mais toujours sincère.
Qu’est-ce que le réel? Une apparence de vérité en pleine mutation ». Le ton est donné par notre invité qui n’est pas journaliste et qui n’a même pas de carte de presse. Incroyable! Au début de sa carrière, comme il ne gagnait pas assez d’argent avec son métier de la parole, la RTBF refusa de le parrainer pour qu’il l’obtienne. Mais oui! L’objectivité dans le traitement de l’information? « Parlons plutôt d’honnêteté. Pour paraphraser Magritte et son célèbre ‘ceci n’est pas une pipe’, nous pourrions dire ‘ceci n’est pas le réel’. Si vous avez trois témoins d’un accident de voiture, vous en aurez trois versions non identiques. » L’honnêteté est donc de faire de l’information dans les règles et de ne pas la fausser notamment lors des montages. Elle n’interdit pas évidemment la pugnacité mais toutes les informations doivent être recoupées. « Les propos ‘off’ doivent aussi demeurer secrets. Autrement, on brise le climat de confiance », de conclure sur ce sujet Pascal Vrebos.
Sentiments ou pas?
Vrebos a un ton tellement spontané que l’on pourrait croire à l’entendre que le journaliste a le droit d’exprimer des sentiments, de la révolte ou du chagrin. « Non », nous rétorque-t-il, « on peut, il est vrai, faire part de son étonnement, cela fait partie du jeu, mais vous auditeur ou vous téléspectateur n’attendez pas de moi que je vous fasse part de mon humeur comme je pourrais le faire dans un éditorial ou à travers les personnages d’une pièce de théâtre. Mais à l’issue d’une animation sur un fait sociétal, oui il arrive que je sois très ému comme n’importe quel citoyen ». Certes, notre homme ne partage pas toujours les propos exprimés mais ne croit pas avoir jamais détesté a posteriori une interview. Dans ceux qu’il a toujours apprécié: le cardinal Danneels et Monseigneur Léonard qui ont toujours répondu présents, Sœur Emmanuelle qui lui a confié ses secrets les plus intimes, les Prix Nobel Belges comme de Duve, Prigogine et Englert, les couples Russo et Lejeune et bien entendu la retentissante rencontre avec le roi Albert et la reine Paola enregistrée au Belvédère.
La télé, demain!
Et quand j’entame avec ce grand praticien des médias, le problème des émissions philosophiques et religieuses dites « concédées » sur les antennes nationales, il me répond non sans justesse, qu’il est dommage qu’il faille passer par ce type de tribune alors que les gens ont besoin comme du pain de la pensée philosophique ou de contenus religieux ou tout simplement de spiritualisme et pas seulement dans les radios et télévisions publiques. « Il faut que la pensée irradie dans tous les médias » et bien entendu ne pas avoir peur de la vulgariser pour la rendre accessible au plus grand nombre. Mais bien malin celui qui pourra nous dire quelle forme adoptera d’ici dix ans la communication. Les médias évoluent à une telle vitesse exponentielle qu’il est évident que la télévision de demain ne sera plus celle que nous connaissons aujourd’hui. « Nous sommes déjà dans une ‘infobésité’ mondialisée. Comme si nous revivions la charnière entre le Moyen-Âge et la Renaissance. Il est évident que cultiver la proximité dans l’information amène aussi à une réflexion sur la manière de faire évoluer positivement un monde qui semble au bord du gouffre. La technologie peut nous y aider mais qui vivra, verra. »
La plume, ce refuge
Un mode d’expression survivra toujours à tous les temps, l’écriture et Pascal Vrebos, ce grand admirateur d’Henry Miller auquel il a consacré un magnifique ouvrage, la pratique au quotidien même si le grand public ignore parfois ce grand talent qui se cache derrière l’homme public. « Pour moi, elle est un refuge depuis mon plus jeune âge puisqu’à quatre ans, j’ai dicté mon premier poème. C’est dire si j’ai écrit bien avant de faire de la radio et de la télévision. On peut être plus énigmatique et plus profond avec une plume à la main qu’avec un micro qui incite à plus de pragmatisme. Pas question de faire souffrir, je n’ai nullement besoin que soit pratiquée une péridurale du cœur ou de l’esprit. Le but est que quelque chose se dise à travers la comédie humaine ». Immuable rite ou rythme, Pascal Vrebos écrit une pièce de théâtre chaque été dans son merveilleux refuge à 300 mètres de la grotte de l’Apocalypse à Patmos. « Il faut toujours avoir une date limite pour terminer son texte sinon on ne l’achève jamais. J’ai choisi de la terminer le 19 août pour en faire une première lecture le 20 août au soir devant quelques amis réunis sur ma terrasse sous la voûte céleste. Après, on débouche le champagne et on critique. Vous avouerais-je que je ne tiens pas toujours compte des remarques des autres. Coquetterie d’auteur mais un soir unanimement tous trouvèrent qu’il y avait une scène de trop et je l’ai retirée. » 29 des 32 pièces de notre dramaturge ont été jouées et pas toutes en Belgique. Certaines ont été montées à New York comme celle autour de Dominique Strauss-Kahn, ce qui est bien compréhensible, vu le lieu de ses derniers méfaits.
Du sexe à Dieu…
Certains se seront étonnés de voir ces derniers temps Pascal Vrebos s’intéresser, dans une série de reportages, à la sexualité des Belges. « Ce fut très aisé », nous dit l’animateur, « le sexuel fait partie de la vie. Si c’est une émission qui se veut racoleuse, alors oui je n’y adhère pas. Je n’ai pour ma part aucun problème avec le sexe mais bien avec le génital qui n’a rien de bénéfique. Si certains y ont vu du racolage, c’est qu’ils sont frustrés. Dans ‘Les enfants de Cupidon’, un prêtre remarquable de 38 ans a accepté en toute franchise de témoigner sur sa sexualité qui peut paraître hors norme à bon nombre d’entre nous. Il n’en avait aucune, pas à proprement parler, et le vivait très bien ». Et nous voilà arrivé à notre dernière étape ou presque, la question qu’on n’ose pas poser mais qu’on pose quand même: le rapport de Pascal Vrebos à Dieu? Il nous répond avec la franchise qui le caractérise: « Je me qualifie d’agnostique mystique. Je sais que je ne saurai jamais mais je cherche quand même. Je distingue deux dogmatismes: avons-nous la certitude qu’un Dieu existe ou qu’il n’y en a aucun? Bref la croyance ou l’athéisme? Nous sommes des êtres complètement improbables au cœur de millions de galaxies. Quelle vanité de penser qu’un être supérieur ait un œil sur nous! Qu’il écoute nos peines et nos supplications. Y-a-t-il une transcendance entre toutes ces chaînes d’union quantique qui traverse toutes ces cosmogonies? Sans doute. Mais le plus intrigant est que malgré toutes les horreurs qui secouent notre monde, malgré les malfaisances de l’espèce humaine, il demeure de telles beautés comme ce ciel si pur et étoilé qui m’émeut tellement à Patmos. Il provoque en moi une secousse à la fois sismique et métaphysique ». Et si Vrebos avait été homme d’Eglise, qui aurait-il voulu incarner? Il aurait aimé être à la fois le cardinal Danneels pour son côté bon pasteur, sa bonhomie et son calme olympien, Monseigneur Léonard pour la cohérence de ses engagements et sa pensée mâtinée de philosophie et le pape François pour sa simplicité et son ouverture. Mais certainement pas Benoît XVI.
… Et à l’avenir de l’homme
Si dans son roman L’homme caramel, publié au début des années nonante et réédité depuis, Pascal Vrebos avait fait preuve d’étonnants talents divinatoires, comment voit-il l’avenir de l’homme? Il se dit optimiste dans ses relations avec les autres mais pessimistes sur ce que les hommes feront de leur planète qu’ils détruiront sans doute un jour avec les armes qu’ils ont amoncelées pour le faire. Notre terre est de moins en moins vivable et l’espèce humaine semble bien incapable d’accéder à un niveau de sagesse acceptable. « Sans doute que seuls les scorpions survivront car ils sont plus robustes que le genre humain, ou que désespéré de voir sa création en si mauvais état, un Dieu ne sorte enfin de son éternel silence pour sermonner ces garnements tous genres confondus en totale perdition ». Un final bien à la Vrebos!
Hervé Gérard
Crédit photo: Pascal Vrebos