
Mgr Joachim à Bruxelles (c) entraide et fraternité
L’évêque burundais Joachim Ntahondereye est actuellement chez nous à l’invitation d’Entraide et Fraternité pour venir à la rencontre des communautés de Wallonie et de Bruxelles à l’occasion du Carême de Partage.
Une rencontre avec le ministre de la Coopération Alexander De Croo, des célébrations eucharistiques dans le Luxembourg, des visites d’associations à Liège, une conférence à Bruxelles : Mgr Joachim Ntahondereye, président de la Conférence épiscopale du Burundi et invité d’honneur de la campagne de Carême de Partage d’Entraide et Fraternité, n’a pas eu l’occasion de s’ennuyer pour son début de visite en Belgique. C’est jeudi au Vicariat de Bruxelles que l’évêque de Muyinga a pris la parole pour la première pour évoquer la place et le rôle de l’Eglise au Burundi devant un public très attentif composé de bénévoles, de partenaires ou de membres de la diaspora burundaise.
Une rencontre riche et passionnante puisque Mgr Ntahondereye a rappelé une série d’éléments décrivant la complexité du paysage burundais : un pays dont la majorité de la population a moins de 20 ans (17 ans de moyenne !) et où 48 % de la population vit dans l’extrême pauvreté et que 90 % de la population vit de l’agriculture. De quoi crédibiliser l’action entreprise sur le terrain par les partenaires d’Entraide et Fraternité (Mgr Ntahondereye est engagé auprès du Centre agropastoral de Mutwenzi) en faveur du développement d’une agriculture paysanne et écologique puisque l’agriculture burundaise est pour la quasi-totalité de la population une économie de subsistance.
Mais nombre de questions ont évidemment porté sur le contexte politique très tendu depuis que, voici trois ans, le président Nkurunziza s’est fait élire pour un troisième mandat non prévu par la Constitution ni les accords d’Arusha (qui, en 2005, scellaient la fin de la guerre civile).

Mgr Joachim à Verviers (c) entraide et fraternité
Aujourd’hui, le président souhaite se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034 par le biais d’un référendum. Dans ce contexte, le rôle de l’Eglise tient, comme en RDC voisine, de l’exercice d’équilibriste. « Nous faisons ce qui est possible, a-t-il expliqué. L’Eglise prend régulièrement des positions fortes mais il n’est pas rare alors que l’on nous accuse d’être à la solde de l’opposition en exil ou des nostalgiques colonialistes. Mais, jusqu’ici, on ne nous a pas empêché de mener notre mission de charité à bien, qui consiste à mettre l’Homme debout, à lui permettre de vivre dans la dignité. » La principale action de l’Eglise a été d’organiser des synodes diocésains sur la paix et la réconciliation – dont les actes seront publiés prochainement. « C’est un long processus mais il est indispensable pour que la population continue à résister à la tentation d’une polarisation ethnique toujours grandissante. » Disant cela, Mgr Ntahondereye exprime les craintes d’un retour aux vieux démons du Burundi (les tensions entre Hutus et Tutsis ont amené au génocide de 1972 et à la guerre civile de 1993-2005), que certains exacerbent de l’extérieur. « Il suffit d’un rien pour que la situation ne dégénère mais je veux croire au dialogue et à nos efforts en faveur de la réconciliation. »
Entraide et Fraternité, 20 février 2018