
Les directions prises par Le pacte d’excellence sont sources d’espoir.
Depuis de nombreuses semaines, le Pacte pour un enseignement d’excellence fait couler beaucoup d’encre. La ministre Marie-Martine Schyns a dévoilé aussi les contours du « tronc commun », qui sera appliqué de la première primaire à la 3e secondaire. Un bien ou un mal?
Ce pacte d’excellence a fait l’objet de nombreuses discussions, entre tous les acteurs de l’enseignement: professeurs, direction d’écoles, pouvoirs organisateurs, associations de parents, syndicats… Reconnaissons que cette démarche est en quelque sorte une « première ». Jusqu’ici, chaque ministre ayant l’enseignement dans ses compétences en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), a voulu marquer son passage par une réforme, dont certaines n’ont pas été couronnées de succès. La nouveauté est que le pacte pourra s’étaler sur plusieurs législatures, même si la majorité politique change. Certes, on aura sans doute des aménagements, mais le socle est là. C’est l’avis d’Etienne Michel, directeur général du Secrétariat général de l’Enseignement Catholique (SeGeC): « Je pense que c’est une bonne idée, qui plus est, nécessaire. D’abord parce qu’il met en place un système éducatif indispensable en termes de qualité de l’enseignement et d’équité. L’intention est de donner une ligne de conduite à long terme. Si nous arrivons à structurer un système éducatif selon ce modèle-là, nous aurons fait quelque chose d’utile. » Il rappelle aussi que deux années ont été nécessaires pour écrire un texte qui est à la fois ambitieux mais aussi assez précis. « C’est beaucoup plus qu’une déclaration d’intention. »
Un autre aspect positif du pacte est d’essayer de réduire l’échec scolaire. Car, s’il y a bien un indicateur qui pose des problèmes majeurs, c’est bien celui du taux de redoublements. Toutefois, on peut s’interroger sur la disposition qui promeut le passage dans l’année supérieure d’un élève ayant des échecs. Cela ne le poussera pas à faire les efforts nécessaires pour pallier soit ces difficultés, soit son manque de travail. Mais, Etienne Michel nuance: « Bien sûr, il ne faut pas laisser passer les élèves pour le plaisir, il faut les faire réussir en veillant à ce qu’ils acquièrent mieux demain la matière de compétences de base. Il y a trop d’élèves qui sont en échec scolaire et nous devons essayer d’améliorer la réussite dans une logique de bienveillance et d’exigences. »
Récemment la ministre de l’Enseignement en FWB, Marie-Martine Schyns, a dévoilé ce que sera le fameux « tronc commun ». En clair, une série de matières qui seront enseignées depuis la première primaire jusqu’à la 3e secondaire. S’il n’y a rien de bien neuf dans cette décision, beaucoup ont « tiqué » sur le fait que ce tronc commun était allongé d’une année. En revanche, d’autres s’en sont réjouis, dans la mesure où ils estimaient qu’on orientait trop tôt et trop rapidement les élèves vers d’autres filières, techniques ou professionnelles. Pour le directeur général du SeGec, ce tronc commun vise à mettre en place une scolarité pensée de manière cohérente. « L’idée est d’avoir un cursus d’apprentissage cohérent et commun pendant toutes ces années ». En outre, cette disposition entend renforcer un certain nombre d’apprentissages de base, comme la lecture, l’écriture, le français, les mathématiques, tout en essayant de développer en même temps d’autres formes d’intelligence, affirme-t-il « Nous allons par exemple, développer ce qu’on appelle la dimension polytechnique de l’enseignement. Au fil de ce tronc commun, progressivement, on va essayer dans l’apprentissage des sciences ou des mathématiques, entre autres, de compléter cela par un certain nombre de références plus concrètes, plus centrées sur la technologie ». Pour Etienne Michel, c’est aussi une manière de s’ouvrir au monde d’aujourd’hui et à celui qui est en train de se construire avec la transition numérique.
Alors, bonne ou mauvaise idée ce pacte d’excellence et ce tronc commun? Le patron de l’enseignement catholique a plutôt l’impression que les directions prises actuellement sont sources d’espoir.
J.J.D/C.N.
Crédit photo: CathoBel
Des critiques qui trouvent réponse
Certaines critiques sont apparues, notamment à propos de l’allongement du tronc commun et de l’enseignement obligatoire du latin. Etienne Michel (photo) explique les raisons des changements.
Certains élèves ont hâte d’aller vers l’enseignement technique assez tôt parce qu’ils ne sentent pas bien dans l’enseignement général. Que répondez-vous à ceux qui pensent que l’allongement du tronc commun n’est pas une bonne idée?
Il y a un ensemble d’arguments qui militent dans un sens ou dans l’autre. Certains ne voulaient rien changer et d’autres voulaient allonger le tronc commun au-delà de deux années. Finalement celui-ci est prolongé d’une année. Un des arguments a été que l’ensemble des enfants améliore dans le futur leur maîtrise des savoirs de base. Il n’y a plus aucun métier, dans la vie d’aujourd’hui, où vous pouvez vous passer de savoir bien lire, bien écrire et bien calculer. Par ailleurs, le marché du travail se transforme complètement. On n’y entre plus comme dans les années ‘50. A l’époque, on entrait dans une société et, souvent, on y faisait toute sa carrière. Aujourd’hui, les jeunes entrent sur le marché du travail en faisant des séquences de cinq-six ans en moyenne. On change aussi de métier au cours de la carrière. Et qui dit changer de métier dit nécessité de se reformer, de se requalifier, etc. Donc, apprendre est plus qu’un slogan, c’est devenu, de nos jours, une nécessité absolue dans la vie professionnelle. J’ajouterai un autre argument: l’égalité des chances. Certains espèrent qu’avec un tronc commun allongé, la ségrégation scolaire sera réduite. Bien sûr, avec cette mesure, certains élèves devront attendre une année de plus avant d’intégrer l’enseignement technique ou professionnel. Ici se pose alors la question de la motivation des élèves. Le fait d’avoir une base commune est quelque chose de fondamental. Je reste très attentif au discours tenu dans les milieux patronaux. Je constate que certains sont attachés à ce que j’appelle l’employabilité immédiate et d’autres sont plus conscients de la nécessité de développer une employabilité à long terme. Il est évident que l’employabilité à long terme nécessite une excellente maîtrise des savoirs de base.
Dans cette réforme, deux cent cinquante historiens critiquent l’intégration du cours d’histoire, dans un « paquet » de cours dénommé « Sciences humaines », avec le cours de géographie. Qu’en pensez-vous?
Le terme « paquet » est tout à fait significatif d’une confusion qui existe dans le débat sur ce sujet. Dans le Pacte d’Excellence, la référence aux disciplines (histoire, géographie, etc.) a été maintenue, mais des domaines ont été constitués. Ils comportent un ensemble de disciplines et de matières. L’idée est de garder un cours d’histoire et de géographie mais de construire progressivement des objets d’apprentissage interdisciplinaire, qui conjuguent l’approche économique, sociale, historique, etc. On va essayer d’articuler de manière plus pertinente à la fois l’ancrage disciplinaire et l’approche interdisciplinaire. J’admets que tous les pédagogues n’ont pas encore été convaincus.
Pourquoi aussi imposer le latin?
Il y aura un apprentissage du latin en tant que discipline d’enseignement. On va concevoir l’apprentissage du latin dans un rapport assez étroit avec l’apprentissage du français. L’apprentissage du latin ne se justifie pas seulement par lui-même mais surtout pour améliorer la connaissance que l’on a de sa propre langue.
C.N./J.J.D
Retrouvez l’interview d’Etienne Michel sur RCF Bruxelles dans l’émission « Engagez-vous » (www.rcf.be)