Dans le pays de Herve, au cœur du petit village de José, Laurence Simonis a ouvert sa librairie … dans un container ! Un projet local vécu en famille pour permettre à chaque enfant de (re)découvrir le plaisir de la lecture.
Licenciée en communications, Laurence Simonis a travaillé dans le secteur des banques et assurances puis dans le milieu socio-culturel avant de devoir mettre un frein à sa carrière en raison d’un burn-out. Au tournant de la quarantaine, cette maman de trois enfants se pose des questions sur ses perspectives d’avenir : « Que vais-je faire pendant les quinze, vingt prochaines années ? » Laurence découvre alors que les livres ont toujours fait partie de sa vie. Elle a aussi accompagné chacun de ses enfants âgés entre 6 et 13 ans dans la découverte de la lecture. « Pour mon garçon de dix ans, Achille, les choses ont été un peu plus compliquées. J’ai dû m’aventurer sur un terrain que je ne connaissais pas pour lui redonner le goût de la lecture. » nous confie Laurence. Elle conçoit donc un projet autour du livre mais qui se veut être plus qu’un commerce. « Je voulais créer un endroit où vivre mon travail autrement et notamment pouvoir rester disponible pour les enfants. » Ce que Laurence recherche avant tout, c’est retrouver une harmonie entre vie professionnelle et vie privée. D’où l’idée d’ancrer son projet dans le village. « Nous avons imaginé tellement de choses. Nous avons même envisagé d’installer une yourte ! Finalement, notre choix s’est arrêté sur le container qui nous est apparu comme une évidence. » Un container, synonyme de voyage, d’évasion comme seule la lecture peut nous en procurer sans bouger de place. « J’ai été aussi séduite par l’aspect recyclage. Ce container date de 2005. Il a donc bien baroudé, poursuit Laurence. Mon mari, qui est ingénieur et bricoleur, avait réalisé des dessins photo-réalistes de ce projet. Le container était là. »
Redonner le goût de lire
Le premier objectif de Laurence, c’est de trouver pour chaque enfant le livre qui lui fera découvrir ou renouer avec le plaisir de la lecture. « Aujourd’hui, beaucoup de parents cèdent à la facilité des écrans. Or il suffit parfois de mettre un livre dans les mains d’un enfant pour le captiver. Peu importe le livre, l’important, c’est de revenir à la lecture. » Laurence conçoit sa librairie comme un lieu d’ouverture et de découverte. « Je souhaite me différencier en proposant autre chose que les meilleures ventes ou les Disney, je veux donner leur chance aux petites maisons d’édition moins connues. » Autre atout de Laurence, le conseil. « Et il n’a pas de prix puisqu’il est gratuit ! » De par son expérience, cette maman de trois enfants navigue avec bonheur entre les différents courants de la littérature jeunesse tant pour les garçons et que pour les filles. Laurence a également l’ambition de « dépoussiérer le livre » : ateliers philo, ateliers créatifs, balades contées, rencontres avec des auteurs… tous les moyens sont bons ! Le livre est un point de départ pour l’exploration. Parmi la longue liste des projets autour du livre, Laurence veut mettre en place un club de lectures pour les ados. Elle est actuellement à la recherche d’un parrain pour soutenir le club.
Dans sa sélection d’ouvrages pour enfants, Laurence ne pose pas d’interdits. « Je propose notamment des livres tirés de jeux vidéo. Je dois pouvoir défendre les livres que je vends donc je reste une lectrice avant tout, attentive au contenu et au message véhiculé. Néanmoins, pour l’avoir expérimenté avec mon garçon, un livre basé sur un jeu vidéo reste une fenêtre ouverte sur l’imagination. C’est plus constructif que d’y jouer et cela permet de rencontrer les goûts de l’enfant et de maintenir le contact avec le livre. »
La lecture pour tous
Parallèlement, en grande défenseuse de la lecture qu’elle est, Laurence s’investit – mais où trouve-t-elle toute cette énergie ! – dans la promotion des bibliothèques publiques mais aussi dans les écoles. « Malheureusement, pour un grand nombre de personnes, le livre reste un objet de luxe et les prix sont dissuasifs pour certains. » constate Laurence. Pour y remédier, elle travaille à la concrétisation de partenariats public-privé pour créer des bibliothèques scolaires. « La plupart des écoles n’ont pas les moyens de constituer et de renouveler un stock de livres important pour les mettre gratuitement à la disposition de leurs élèves. Je veux défendre l’outil-lecture et rendre accessible les livres à tous les enfants. Dans ce but, il faut sensibiliser les entreprises et les amener à soutenir les écoles dans la création de mini-bibliothèques.»
Une librairie à hauteur d’enfance
C’est ainsi que Laurence a défini son projet. « Changer notre regard, continuer à voir avec les yeux d’un enfant pour continuer à être touché, à vouloir découvrir… ne pas vouloir faire grandir trop vite les enfants, être à l’écoute de leurs besoins et de leurs envies, respecter l’univers et la sensibilité de chacun. Enfin, ramener les parents vers l’objet-livre. Il n’y a pas de plus beau moment partagé pour l’enfant et l’adulte que d’être sur les genoux à raconter une histoire. Le livre a ce merveilleux pouvoir de nous emmener là où on a envie d’aller. »

Une belle aventure qui commence…
Sophie Delhalle
« Marque Tapage », rue de José, 68, 4651 José (Battice) (0493/36.88.12)
www.marquetapage.be et aussi sur Facebook
Rencontre avec le papa du Petit Poilu
A l’occasion de l’inauguration de la librairie, nous avons pu rencontrer Pierre Bailly, le dessinateur du Petit Poilu. Depuis 2011, ce petit personnage muet aux lignes rebondies nous emmène dans des aventures colorées et toujours empreintes d’humanisme. Nous avons pu aussi découvrir en avant-première le tout dernier numéro, « Chandelle sur Trouille ».
Comment avez-vous créé le personnage du Petit Poilu ?
Ce projet, je l’ai construit avec ma compagne Céline qui écrit les scénarii. Elle voulait qu’il soit petit. Ensuite, j’ai choisi une forme ovale qui me semblait sympathique. Spontanément, je lui ai ajouté un nez rouge. Le Petit Poilu est noir pour une question de lisibilité sur le papier blanc et pour faire ressortir les yeux. Il est poilu parce que j’aime les singes (rires). Enfin, je lui ai mis une grenouillère pour lui donner un corps de Schtroumpf. Après plusieurs essais, le vert était la couleur qui convenait le mieux. En fait, le Petit Poilu est un mélange de différents personnages enfantins : le Schtroumpf, le Marsupilami, Barbouille des Barbapapa, et bien entendu le clown.
Où puisez-vous l’inspiration pour les thèmes abordés dans vos histoires ?
C’est ma compagne Céline qui trouve les sujets et nous essayons d’alterner sujets légers et plus sérieux. Nous avons beaucoup observé nos enfants. Que racontent-ils dans la cour de récré ? Le thème récurrent qui traverse toutes les histoires du Petit Poilu, c’est l’empathie. Nous avons créé ce personnage pour aider les enfants à réapprendre l’empathie. Nous voulons leur transmettre une vision humaniste du monde à travers les aventures du Petit Poilu. Chaque épisode est l’occasion d’explorer les rapports humains. Nous nous adressons aux enfants comme à des adultes en devenir, comme nos alter ego. C’est pourquoi nous abordons aussi des sujets de société comme l’exil et la peur des réfugiés dans le dernier numéro « Chandelle-sur-Trouille ».
Et pour l’univers dans lequel évolue le petit Poilu ?
Je m’inspire surtout du cinéma muet et en premier lieu de Charlie Chaplin. Mais aussi des fantasmagories de Méliès. Car, on ne sait jamais vraiment si les aventures du Petit Poilu sont de l’ordre du réel ou relèvent purement de son imagination. J’explique souvent aux enfants que lorsqu’ils jouent par exemple dans la cour de récréation, ils recyclent des histoires pour créer leur propre jeu. Ils réutilisent des histoires qu’ils ont lues ou entendues pour construire leur histoire de jeu. Quand on raconte une histoire, c’est pareil. Quand je dessine une histoire du Petit Poilu, c’est comme si je jouais.
Comment expliquez-vous le succès du Petit Poilu ?
C’est assez inattendu. Nous étions conscients du potentiel de notre personnage mais ce fut une vraie surprise de voir des professionnels comme les enseignants ou les logopèdes s’emparer du Petit Poilu comme outil d’apprentissage. C’est super. Ca nous pousse aussi à traiter d’autres sujets. Cela peut paraitre paradoxal mais les institutrices travaillent surtout le vocabulaire et la verbalisation avec les histoires muettes du Petit Poilu. Puisqu’il n’y a pas de texte, les enfants n’ont pas cette peur de se tromper. Notre personnage suscite d’emblée de la sympathie et les gens se l’approprient très vite notamment sur le continent asiatique. Je pense aussi que ce qui fait le succès du Petit Poilu, c’est que nous travaillons sur ce projet de manière exclusive et sérieuse avec le plus de rigueur possible.
Retrouvez le Petit Poilu sur www.petitpoilu.com
Propos recueillis par Sophie Delhalle