Le 29 octobre, Simon Naveau sera ordonné diacre en vue du sacerdoce. Une vocation tardive pour cet ingénieur. Comme lui, d’autres ont abandonné leur métier pour répondre à l’appel du Seigneur. Leurs profils et expériences reflètent la diversité des dons de l’Esprit pour l’Eglise.
En Belgique, comme ailleurs, l’histoire des vocations se poursuit presque de la même manière aujourd’hui que dans les récits bibliques où les disciples abandonnent tout pour suivre Jésus. Il est donc très courant de retrouver dans les rangs des candidats au ministère presbytéral encore en formation au Grand séminaire, des personnes ayant un riche passé professionnel. Ce qui explique que « les séminaristes de l’heure portent la calvitie« , fait rire Simon Naveau (photo) au cours d’une conférence à Bruxelles. Cet étudiant au Grand séminaire interdiocésain de Namur est ingénieur en pétrole et en construction ayant travaillé huit ans en milieu industriel ou dans des bureaux d’études, en Afrique. Depuis l’enfance, il ressentait l’appel sans y répondre. A 30 ans, il comprend qu’on n’a qu’une vie et qu’on a le devoir de répondre à l’appel de Dieu. Il lui a suffi de faire le pas décisif vers l’évêque de Tournai pour qu’il n’ait plus « cette impression de vie non vécue« .
En juin 2018, à 39 ans, il deviendra prêtre. Mais l’ingénieur se révélera toujours dans la méthode de travail et le souci de rechercher une solution pratique, réalisable et efficace. « Ce qui n’est pas toujours une qualité recherchée en pastorale, remarque-t-il. Un ingénieur applique la science au réel. Il sait que le modèle scientifique permet de travailler avec la réalité mais n’est pas la réalité profonde. L’ingénieur n’a jamais la prétention d’expliquer tout. Il correspond davantage à la foi et ne ferme pas celle-ci parce qu’il sait que rien ne correspond à la réalité. » Pour lui, l’Eglise n’est certes pas à confondre avec une entreprise, mais l’expérience d’ingénieur dans la maîtrise des relations et de l’organisation du travail aide en pastorale où des équipes sont formées de personnes de divers horizons.
Paroles d’architecte
Une vision partagée par certains enseignants du Grand séminaire interdiocésain de Namur dont les parcours ont été aussi sinueux que ceux de leurs étudiants d’aujourd’hui. Sœur Birgitta Drobig est par exemple docteur en médecine. Bruno Robberechts est docteur en philosophie et ingénieur du génie civil. Et Paul Vanderstuyft, le directeur spirituel des lieux, a une licence en architecture. Ses deux années de stage réglementaires,
préalables à tout exercice de la profession, suivies d’une année de travail n’ont servi qu’à le préparer au sacerdoce ministériel. En travaillant sur des projets de reconstruction sur des ruines de guerres et de tremblements de terre, il est confronté à des questions de foi avec son confrère qui se dit athéiste. « Je voyais en lui un vide, comme le cas de Jacob qui devient Israël parce qu’il a lutté contre Dieu et lui a tenu tête. » Mais quand ce dernier lui avoue son admiration pour sa foi, Paul Vanderstuyft fait l’expérience de « la nécessité d’avoir des gens qui aident à trouver le Seigneur partout. Je me suis senti poussé à donner une priorité dans la vie. C’est ce qui m’habitait dans l’architecture« . Il pousse finalement la porte du Grand séminaire Jean XXIII de Leuven et sera ordonné prêtre en 1996. Et douze ans plus tard, il entre au noviciat.
Curé in solidum [plusieurs curés pour une même paroisse, ndlr] dans le vicariat du Brabant flamand, aumônier des jeunes et responsable de la catéchèse, Paul Vanderstuyft fut aussi membre de la commission des lieux de culte, afin de donner un avis sur les projets des paroisses désireuses de modifier ou de transformer leurs édifices. S’il a suspendu cette dernière activité depuis le début de son noviciat, son âme d’architecte brûle encore. Avec des envies d’édifices capables de « rendre à la communauté chrétienne sa place, à l’image de certaines salles paroissiales qui, malheureusement, se situent à 300 mètres de l’Eglise. L’architecture actuelle augmente la distance entre l’homme et Dieu, alors que l’incarnation est au milieu de nous. Comme on le lit sur le blason de Jean XXIII, il s’agit d’ouvrir les fenêtres et les portes de l’Eglise. »
Regard d’expert
Devenir prêtre, c’est donc renoncer à une autre profession. L’Etat assurant le traitement salarial et le logement aux curés, ceux-ci ne peuvent par conséquent justifier d’autres revenus issus d’activités parallèles. « Un curé est considéré comme travaillant 24h/24 et 7jours sur 7« , atteste un prêtre et ancien avocat. Diplômé en droit canonique et titulaire d’un doctorat en droit civil, spécialisé dans le droit des personnes âgées, ce clerc a longtemps été inscrit au Barreau belge avant de s’engager dans une congrégation religieuse. S’il n’exerce plus en tant qu’avocat, il reste dans la recherche universitaire et donne bénévolement quelques conseils juridiques, pour se sentir à jour et compétent afin d’analyser une loi ou un dossier, consulter une administration. Il œuvre dans l’accompagnement d’adultes vulnérables et reste aussi disposé à aider l’Eglise dans ses besoins.
Ce regard d’expert sur les affaires de l’Eglise démontre qu’on ne quitte pas « une profession pour entrer dans une vocation. La profession engage toute la personne pour défendre une cause qu’on croit juste en âme et conscience. Difficile d’avoir été avocat un temps et ne plus l’être le reste de sa vie. On est identifié par cela« .
Quand cet avocat a entendu l’appel, il s’est dit incapable d’y répondre de suite. « On a mieux à faire. Puis, il y a un moment précis où les choses se passent. » Bien plus tard, des raisons de santé l’amènent à s’interroger. Pour son accompagnateur spirituel, un rabbin, il est évident qu’il est fait pour la vie religieuse. Il lui conseille la congrégation par laquelle il a été éduqué. « Tu les connais. Ils te connaissent« , argumente le rabbin. Aujourd’hui, le candidat d’alors rend grâce de s’y être fié. Sans se prédestiner au statut de frère ou de prêtre, il entre comme « indifférent » dans la congrégation. L’accompagnement d’un rabbin, le fait d’avoir été plus nourri par les exemples des Frères que des Pères et qu’être prêtre n’est plus une ascension sociale en Belgique comme cela demeure dans certains pays, le candidat n’a pas d’idéal de prêtre en tête. « Je ne connais pas de prêtre auquel j’aurais voulu ressembler. »
Au cours de la formation, le temps s’avère « quelque chose qui travaille pour l’être humain et pour la grâce« , reconnaît-il. Pour éprouver son désir pour les ordres et examiner tous les autres aspects, le candidat est amené à interrompre un temps la vie dans la communauté et à trouver un travail humble qui puisse lui plaire. Ce qui s’avère impossible pour lui parce que « peu ou trop qualifié« . L’appel le remet sur le chemin du sacerdoce. Diacre, il visite des personnes âgées dans des maisons de repos. C’est là où il éprouve « la grande désolation » des Exercices de saint Ignace: les personnes qu’il visite demandaient la confession or, diacre, il ne pouvait écouter et absoudre les péchés. Le remède à cette « désolation » était d’être prêtre. Il l’est devenu en 2016. Ce qui en rajoute à la diversité de dons dans l’Eglise.
Célestin OBAMA