Pour le philosophe Michel Onfray, Jésus de Nazareth n’aurait jamais existé. Dans un livre paru récemment, le Pr. Salamito lui réplique de manière cinglante.
L’opuscule publié en mai dernier par Jean-Marie Salamito (photo), normalien, agrégé de lettres classiques et professeur d’histoire du christianisme antique à la Sorbonne, n’est pas une critique globale de « Décadence », volume médian (650 p.) d’une « Brève encyclopédie du monde » auquel s’est attaqué le très médiatisé philosophe Michel Onfray. Quelque peu poussé par ses étudiants qui ont encouragé leur professeur à écrire ce livre, Jean-Marie Salamito concentre exclusivement ses propos, très solides arguments à l’appui, sur ce que Michel Onfray a écrit dans « Décadence » concernant le christianisme antique. « Je tente un travail historique précis, pas une dénonciation tous azimuts« , prévient-il, refusant « cette pulsion de lynchage, ces exécutions médiatico-sommaires qui, depuis des années, ne cessent de gangréner la vie intellectuelle« .
Thèse mythiste
Et Jean-Marie Salamito d’initier son ouvrage en réfutation de « Décadence » par son affirmation sans doute la plus tonitruante: Jésus de Nazareth n’aurait jamais existé. A suivre Onfray, tout est clair: « La civilisation judéo-chrétienne se construit sur une fiction: celle d’un Jésus n’ayant jamais eu d’autre existence qu’allégorique, métaphorique, symbolique, mythologique » (p.45). D’emblée, Salamito tient à rappeler une évidence: « A l’échelle mondiale, l’existence historique de Jésus fait de nos jours l’objet d’un consensus dans le public et, plus encore, chez les spécialistes de l’Antiquité, du Nouveau Testament et des origines chrétiennes. » Pour défendre sa thèse, Michel Onfray s’appuie sur cinq auteurs, tous très datés (XIXe et début XXe siècles) et généralement peu crédibles auprès des mondes académique et scientifique. Onfray renforce sa thèse mythiste en constatant qu’il n’existe de Jésus, à son époque, ni portrait peint ni sculpté, ni description littéraire.
Elément totalement inconsistant pour Salamito, l’iconographie chrétienne du Moyen Age à nos jours n’étant pour lui nullement fondatrice de l’historicité de Jésus. « Les chrétiens de tous les temps s’appuient sur le Nouveau Testament, comme d’ailleurs, à leur façon, les artistes. »
Plus fondamentalement, le professeur de la Sorbonne estime que Michel Onfray manque son rendez-vous avec les vraies sources « probablement parce que celles-ci le dérangent« .
Ainsi, les quatre Evangiles ont laissé l’auteur de « Décadence » sur sa faim « parce qu’il a décidé d’en évacuer obstinément tout le concret, de n’y voir que des symboles ».
Témoignages non chrétiens
Outre l’inexistence de Jésus, Onfray refuse aussi celle de Marie – mais ici sans fournir la moindre justification – et de Jean le Baptiste. L’existence de ce dernier ne fait pourtant « aucun doute » pour Jean-Marie Salamito qui cite les quatre Evangiles mais aussi l’historien juif Flavius Josèphe et ses Antiquités juives.
Pour témoigner de l’existence irréfutable de Jésus, Salamito convoque encore des sources non chrétiennes comme le grand historien Tacite (110 après J-C) qui évoque explicitement « Christ sous le principat de Tibère » ou encore Flavius Josèphe qui fait état de « Jésus, un homme sage… »
Régression intellectuelle
Lecture hâtive des Evangiles et autres sources antiques, bibliographie très vieillie à l’appui de sa thèse, Jean-Marie Salamito estime que c’est « le propre refus de Michel Onfray de comprendre qui a érigé cette théorie de l’inexistence« . Mais, s’interroge encore Salamito, pourquoi tant de gens acceptent ce qu’écrit et clame Michel Onfray? « L’explication la plus plausible réside dans la notoriété et le charisme de l’auteur« , poursuit Salamito, « son personnage comptant encore plus que ses idées« .
La thèse mythiste d’Onfray affirmant la non-existence de Jésus est « une sorte de régression intellectuelle« , selon Jean-Marie Salamito, qui se présente modestement comme un « tâcheron de la recherche et de l’enseignement« . Et de conclure ce chapitre en réfutation par cette lumineuse réflexion: « Le déni de réalité reste toujours psychologiquement possible, même s’il est intellectuellement désastreux. »
Hugo LEBLUD
Jean-Marie Salamito, « Monsieur Onfray au pays des mythes ». Salvator, Paris, 2017, 155 p