Alors, que les opérations antidrogue de la police philippine ont fait au moins 76 morts la semaine dernière, selon les autorités, l’archevêque de Manille, le cardinal Luis Tagle (photo) est monté au créneau pour dénoncer la politique du président Duterte.
En un peu plus d’un an, la police, affirmant agir en état de légitime défense, a confirmé avoir abattu plus de 3.500 personnes qualifiées officiellement de « personnalités de la drogue ». C’est ce qui fait réagir vigoureusement l’Eglise catholique des Philippines qui, par la voix de l’archevêque de Manille, a appelé à mettre fin au « gâchis de vies humaines ». De leur côté, les défenseurs des droits et des parlementaires ont dénoncé « une série meurtrière alarmante ».
Le cardinal de Manille Luis Tagle, l’un des personnages les plus influents de l’Eglise catholique de l’archipel, où plus de 80% des habitants sont catholiques, a exprimé dimanche ses inquiétudes face à l’augmentation du nombre de morts. « Nous interpellons les consciences de ceux qui tuent jusqu’aux gens sans défense, en particulier ceux qui recouvrent leur visage de cagoules, pour leur demander d’arrêter de gâcher des vies humaines », a écrit le cardinal Tagle dans un communiqué lu dans toutes les églises de la capitale pendant la messe. « Le problème de la drogue illégale ne doit pas être réduit à un problème politique ou criminel. C’est un problème humanitaire qui nous concerne tous ».
En dénonçant ces crimes, l’Eglise catholique des Philippines, s’est, une nouvelle fois, imposée comme le principal opposant au président Rodrigo Duterte. Ce dernier avait remporté la présidentielle de 2016 après une campagne sécuritaire outrancière. Il s’était engagé à éradiquer le trafic de drogue dans les six mois au moyen d’une campagne dans laquelle des dizaines de milliers de trafiquants et de toxicomanes présumés seraient abattus. Hélas, l’Eglise catholique est l’une des rares voix à s’élever pour dénoncer les meurtres alors que les sondages montrent que le président jouit toujours d’une très forte popularité.
Cette prise de parole publique de l’épiscopat philippin contre la politique de Rodrigo Duterte est loin d’être la première. Dès les premiers morts de la guerre antidrogue, la conférence des évêques philippins s’alarmait « du nombre croissant d’assassinats de personnes suspectées d’être impliquées dans le narcotrafic, sous prétexte qu’elles se sont opposées à leur arrestation par la police ». Depuis, la lutte contre les tueries extrajudiciaires et la peine capitale, qui remettent en cause la valeur sacrée de la vie, est devenue la priorité d’un épiscopat qui entend se dresser contre la politique du pouvoir en place.
J.J.D. (avec agences)