A la fois scénariste et dessinateur, Gaëtan Evrard accumule les titres dans un registre particulier, puisqu’il s’agit de sujets religieux. Rencontre avec un Namurois discret, en compagnie de Bénédicte Quinet, sa coloriste attitrée.
C’est à partir du monde des contes et des histoires imaginées quand il était enfant que Gaëtan Evrard a débuté son travail d’illustrateur. Ainsi les assiettes de sa grand-mère ont-elles été transposées dans un album pour enfants. La démarche du créateur est avant tout visuelle. « Les dessins donnent l’idée d’un scénario, qui donne finalement le livre. »
Une spécificité religieuse
Collaborateur régulier de revues pour enfants, comme « Grain de soleil », « Pomme d’Api » ou « Tournesol », Gaëtan Evrard a l’habitude des productions religieuses. Parmi celles-ci, il y a notamment les récits bibliques de l’Ancien et du Nouveau Testament ou l’évangile des enfants « mis en image selon une technique aquarellée ». L’artiste est venu progressivement aux réalisations spirituelles, « au fur et à mesure des collaborations » avec les éditeurs. « A la suite de tous ces travaux, j’ai eu envie de reprendre ‘Les récits du pèlerin russe’ découverts à l’âge de 18 ans. » Exception à la règle, ce récit a marqué un tournant dans la carrière du scénariste, qui a découvert le plaisir créatif de « traiter des sujets religieux en bandes dessinées ». Les parcours des saints mis en images habitent la réflexion et cheminent dans le cœur de Gaëtan Evrard, qui retrace avec précision les œuvres et le contexte historique propres à ces héros. Pour compléter ou parfaire ses connaissances, il n’hésite pas à se rendre dans des monastères, comme celui de Chevetogne, ou à l’abbaye de Rochefort. Pendant l’écriture des scénarios, il entretient également une correspondance régulière avec des religieux, qui lui permettent d’approfondir certaines thématiques, telle la spiritualité orthodoxe. « Chaque fois, c’est l’occasion de faire des rencontres avec des témoins privilégiés, de découvrir des univers. Le but d’un livre, c’est de transmettre une information juste. Sinon, le livre n’a pas beaucoup d’intérêt. » Le fait d’écrire pour des enfants ou des adolescents n’enlève rien à l’exigence de qualité et à une volonté d’avoir « une justesse de ton ». Le choix des personnages est loin d’être anodin. « Il y a une proximité avec le personnage que l’on ressent. » Toutefois, qu’il s’agisse d’un sujet profane ou religieux, la démarche reste la même. « Il s’agit de rejoindre le personnage qu’on doit illustrer et dont on doit raconter la vie en s’entourant d’un maximum d’informations. » Les productions de dessinateur et de scénariste alternent, selon les commandes des éditeurs. « Le fil conducteur d’un scénario, c’est une écriture visuelle. Les images sont le point de départ de l’écriture du scénario. » Les recoupements des sources s’avèrent dès lors capitaux. « Pour structurer un récit, je trouve important d’avoir un repère chronologique fluide. Quand elle est dense et complexe, l’information nécessite une restitution claire, qui ne s’embarrasse pas d’effets d’écriture et de narration. J’essaie d’être concis, précis et efficace dans l’information. »
Une simplicité qui prime
La prière est « une dimension importante » dans la vie de Gaëtan. Il reconnaît être un lecteur régulier de la Bible et des lectures quotidiennes. « Si une certaine désacralisation amène à une religion plus vraie et qui nous rend plus proches les uns des autres, c’est peut-être un passage obligé. » Néanmoins, il estime « dommage de se priver d’un patrimoine, d’un héritage transmis par les générations précédentes, dans lesquelles il y a des perles pour vivre le quotidien ». Et c’est précisément le centre d’intérêt de son travail qui lui permet d’appréhender dans quelle mesure « des personnages, à une époque donnée, ont eu un supplément d’amour, de vie, d’espérance, d’audace pour aller plus loin. La religion doit nous donner des clefs pour vivre notre quotidien. » Proche de la fraternité de Tibériade, notamment par le biais des saints Silouane, Séraphin de Sarov et François d’Assise, il y a mené des ateliers de dessin avec quelques moines et moniales. « On dessinait beaucoup d’après nature, afin d’ouvrir le dessin par le regard. Le croquis d’après nature, c’est regarder le réel pour le mettre en image. »
Un couple engagé
Aujourd’hui, les publications religieuses sont essentiellement produites en France, le lectorat belge s’étant réduit comme peau de chagrin. De tempérament plus discret, les Belges affichent peu leurs convictions religieuses. Et le dessinateur de se souvenir de séances de dédicaces au Mont-Saint-Michel où la foule se pressait. A l’inverse, en Belgique, les rassemblements d’auteurs religieux sont quasi-inexistants… Couple dans la vie, parents de quatre enfants, Gaëtan et son épouse Bénédicte partagent la passion des livres. Après avoir géré un magasin d’artisanat durant quelques années à Nivelles, ils ont décidé de s’installer à la campagne, au bout du monde! Là, loin des tentations commerciales, ils ont éduqué leurs enfants au rythme des saisons. Croyants, les deux illustrateurs se sont connus durant leurs années d’études. Trente ans plus tard, leur complicité se conjugue encore dans leurs réalisations de papier… Dans les prochains mois, une commande de la ville de Chaumont, prévue pour l’automne, sera consacrée à la procession du Grand Pardon, tandis que, l’an prochain, une BD aura pour sujet l’impératrice Zita. Ce projet verra la poursuite de la collaboration entre Gaëtan et Dominique Bar, avec Bénédicte à la couleur! Rendez-vous est pris!
Angélique TASIAUX
Retrouvez – gratuitement – la Fête de la BD les 1, 2 et 3 septembre 2017 au parc de Bruxelles et à Bozar.