La Croix-Rouge de Belgique lance une nouvelle campagne de sensibilisation autour de protagonistes peu médiatisés, puisqu’il s’agit des enfants. Venus de loin, souvent dans des conditions rocambolesques ou dangereuses, ceux-ci connaissent un parcours peu ordinaire, loin des a priori…
Excitées à la vue des micros et des caméras, deux fillettes racontent volontiers leur exode d’Afghanistan et leur arrivée dans la région namuroise. En 18 mois, les sœurs ont accompli des prouesses dans la maîtrise de la langue française. A 13 ans, Gozal rêve d’être journaliste, tandis que Yalda, âgée de 11 ans, élastiques roses dans les cheveux et ballerines argentées aux pieds, se voit plus tard top model. Si elles se sentent en sécurité en Belgique, elles n’en redoutent pas moins les méfaits d’Al-Qaïda et de Daech, dont elles suivent les sinistres agissements via les réseaux sociaux. Porte-parole des enfants qui ont pris le chemin de l’exil, les deux sœurs affichent une sérénité et une gentillesse exemplaires. Elles sont désormais les emblèmes de la campagne de sensibilisation menée par la Croix-Rouge de Belgique : www.enfance-en-exil.be
Depuis 27 ans, la Croix-Rouge accueille des personnes en situation de vulnérabilité. L’organisation est même devenue le premier acteur d’accueil au sud du pays, avec 26 lieux dédiés aux réfugiés. Un tiers des résidents y sont des enfants, partis dans la précipitation et souvent l’ignorance du voyage à venir. Déracinés, ces enfants ont l’envie d’apprendre, la capacité de s’intégrer et la faculté de nouer des liens. La Croix-Rouge rend hommage à leur aptitude hors normes à rebondir à travers une campagne en trois temps, par le biais d’un film-outil pédagogique diffusé dans les centres d’accueil de la Croix-Rouge, du 15 juin au 1er juillet, puis dans les écoles secondaires dès la rentrée scolaire. Ensuite, l’ouverture prochaine d’une ludothèque, un espace de stimulation multi-sensorielle et de gestion des émotions, est prévue à Natoye, et, enfin, un documentaire à la fin de l’année, qui retracera le parcours des jeunes héroïnes, aperçues dans la vidéo de lancement qui a été tournée à 360°.
Sensibiliser la population belge
Ces 26 centres d’accueil sont autant de « possibilités de s’immerger et de favoriser les échanges », se réjouit Marie Polard au nom de la Croix-Rouge. Des événements sont ainsi organisés tout au long de l’année afin de dialoguer avec le public avoisinant ou sympathisant. Les enseignants sont invités à venir accompagnés de leur classe, de même que les voisins ou bénévoles potentiels, mais aussi l’ensemble des citoyens appelés à franchir les portes des centres d’accueil, évitant par leur présence bienveillante que ceux-ci ne se transforment en ghettos. En fonction de la tranche d’âge ou du profil des visiteurs, des activités différentes sont réalisées, afin de susciter « un questionnement spécifique ». Preuve de leur dynamisme, une foule d’activités y sont régulièrement organisées. Citons, pêle-mêle, les stages avec des enfants de la localité concernée, des écoles de devoirs, des ateliers artistiques en tous genres, des cours d’alphabétisation, des animations circassiennes, etc.
Soutenir les parents
Au cours des parcours migratoires, les psychologues observent souvent un processus de « parentification ». Alexandra Prijot, coordinatrice de projets à la Croix-Rouge, détaille le mécanisme comportemental mis en place: « l’enfant endosse un rôle protecteur envers ses parents et de lien avec l’extérieur. Ce processus nécessite un accompagnement spécifique pour que le parent puisse garder son rôle parental. L’absence de famille élargie, la remise en cause du statut des parents, l’apprentissage des nouveaux codes culturels et des nouveaux codes éducationnels font que l’on doit les accompagner spécifiquement ». L’adaptation aux nouvelles normes de vie transparaît toutefois à une vitesse prodigieuse chez les enfants, tous les enfants. A côté d’un rôle reconnu d’accueil et de sensibilisation, la Croix-Rouge a l’intention de transmettre prochainement « des recommandations structurelles pour améliorer le système » et le rendre, ce faisant, plus performant d’un point de vue humain. Ainsi, un troisième axe de recommandations s’inscrirait-il au détour des deux premiers, se réjouit Billy Jungling, le directeur du département d’accueil des demandeurs d’asile. L’arrivée des migrants incite chacun à la création de nouvelles démarches solidaires.
Angélique TASIAUX