Le jeudi 15 juin, le Dicastère pour le Développement intégral, présidé par le Cardinal ghanéen Peter Turkson, a organisé un débat international sur la corruption. Toujours le 15 juin, est paru un livre du Cardinal Turkson, "Corrosione", sur le même sujet, préfacé par le pape François. Un ferme plaidoyer en faveur de la dignité humaine trop souvent bafouée.
Non à la dignité humaine piétinée, ce fut le cri de ralliement des participants au grand débat international sur la corruption, organisé par le Dicastère pour le développement humain intégral (en collaboration avec l’Académie pontificale des Sciences sociales), le 15 juin 2017 au Vatican.
Le cardinal Peter Turkson, préfet du dicastère, a expliqué l'objectif de cette initiative à Radio Vatican: "Il s’agit de faire face à un phénomène qui conduit à piétiner la dignité de la personne… Nous voulons dire qu’on ne peut jamais piétiner, nier, entraver la dignité des personnes… nous cherchons à attirer l’attention sur cette question."
Des représentants de l’Eglise, de la justice, d’associations et de victimes de crimes, ont participé à cette rencontre conclue par le secrétaire délégué du Dicastère, Mgr Silvano Maria Tomasi. Ce dernier a souligné l’importance de "sensibiliser l’opinion publique, de commencer à identifier des pas concrets qui peuvent aider à parvenir à des politiques et à des lois qui préviennent la corruption". "La corruption", a-t-il ajouté, "est comme un ver qui s’infiltre dans les processus de développement des pays pauvres ou dans les pays riches, qui ruine les relations entre institutions et entre personnes". Mgr Tomasi a invité à faire "l’effort" de "créer une mentalité, une culture qui combatte la corruption pour assurer le bien commun".
Raffaele Cantone, président de l’Autorité nationale anti-corruption italienne, a salué cet événement: "Pour la première fois, une institution mondiale en parle, une institution qui a une grande importance aussi comme magistère moral." En effet, a-t-il estimé, "le thème de la corruption doit être affronté aussi et surtout sur le plan de la bataille culturelle et… avec une logique qui n’est pas seulement la logique nationale". "C’est un message fondamental à envoyer au monde entier", a-t-il conclu: "la corruption finit par affaiblir encore plus les pauvres et par voler l’avenir, surtout aux dépens des faibles".
"Un processus de mort"
Le 15 juin toujours, un livre-entretien du cardinal Peter Turkson avec Vittorio Alberti, également sur cette problématique de la corruption, a été publié en Italie sous le titre "Corrosione" (Corrosion). Dans la préface qu'il a écrite pour ce livre, le pape François indique que la corruption est "le langage le plus commun" des mafias, un "processus de mort" qui "casse" la coexistence entre les personnes, favorise le crime et en définitive détruit celui qui en est fautif.
Le pape invite ainsi à réfléchir sur l’un des maux qu’il ne cesse de dénoncer depuis le début de son pontificat. Il évoque le phénomène de la corruption dans ses métastases qui investissent "l’état intérieur" de la personne et "le fait social". Le point de départ, pour François, ce sont les "trois relations" qui caractérisent la vie humaine: celle avec Dieu, celle avec le prochain, celle avec l’environnement. Quand l’homme est "honnête", il vit de façon responsable "pour le bien commun". Au contraire, l’homme qui se laisse corrompre "subit une chute" et la "conduite anti-sociale" que la corruption induit finit par "dissoudre la validité des rapports". "Les piliers" de la coexistence se brisent, et "l’intérêt particulier" devient comme un venin qui "contamine toute perspective générale".
"La corruption pue", s’était exclamé le pape le 21 mars 2015 à Scampia, un quartier de la banlieue de Naples gangrené par la mafia et le trafic de drogue. Il le redit dans cette préface. Le corrompu diffuse "la mauvaise odeur" d’un cœur décomposé (sens étymologique du mot "corruption"), celui à l’origine de l’exploitation, de la dégradation, de l’injustice sociale… Il se situe à la racine de l’esclavage, "de l’incurie de la cité, du bien commun, de la nature".
La corruption, répète François avec force, est "une forme de blasphème". "C’est l’arme, le langage le plus commun aussi des mafias", "un processus de mort qui infuse la culture de mort" de celui qui ordonne le crime. Et alors que, aujourd’hui, "imaginer le futur" est déjà une entreprise difficile, la corruption arrive à miner "l’espérance" qu’une amélioration est possible. Le pape, en appréciant l’analyse effectuée par le cardinal Turkson sur le phénomène, met également et à nouveau en garde l’Eglise contre la forme de corruption la plus dangereuse: la "mondanité spirituelle, la tiédeur, l’hypocrisie, le triomphalisme, le sens de l’indifférence".
François conclut en rappelant la "beauté absolue" des lieux du Vatican d’où il est en train d’écrire. Il définit la beauté non pas comme un "accessoire cosmétique", mais comme quelque chose qui "met au centre la personne humaine". "Cette beauté", rappelle-t-il, "doit s’épouser avec la justice", et la corruption est donc comprise et dénoncée pour que la miséricorde prenne le dessus sur "l’avarice", "la curiosité et la créativité sur la fatigue résignée".
Le corrompu "oublie de demander pardon" parce qu’il est fatigué et repu, indifférent et rempli de lui-même. Pour contrer cette tendance, l’Eglise et les chrétiens, mais aussi les non-chrétiens, a-t-il conclu, peuvent être ensemble des petits flocons de neige qui, au final, feront boule de neige et contribueront à fonder "un nouvel humanisme".
Sources: Zenit et Radio Vatican