Même si le nombre de morts sur la route est en baisse cette année, un millier de personnes meurent chaque année. C’est toujours trop! Une famille frappée par la disparition de leur fils a accepté de témoigner de la manière dont ils ont su se reconstruire.
Un accident de voiture a fait un mort ce week-end sur les routes de Wallonie. Quelques mots auxquels on ne prête pas forcément attention dans nos lectures quotidiennes. Et pourtant, derrière ce court récit se cache une tragédie venue frapper la famille de cette personne tuée. C’était le cas, il y a presque sept ans dans la région de Rixensart. Maxime avait 23 ans, il était le fils aîné d’une fratrie de quatre enfants. Il a perdu la vie dans la collision de la voiture, dont il était le passager, avec un poteau électrique. Le 28 octobre 2010 le matin, ses parents apprennent la terrible nouvelle, l’un après l’autre.
Le papa, Bertrand Jardon, reçoit d’abord la visite des policiers et encaisse le choc: « J’étais seul ce matin-là et très logiquement, j’ai dû essayer de retrouver mes esprits et de me tenir debout… J’ai eu l’impression de recevoir un coup et de devoir en donner un autre. » C’est lui qui se déplace au bureau de son épouse Anne-Françoise pour lui transmettre la même terrible information. Ensemble, ils vont aller l’annoncer à leurs trois autres enfants qui étaient, à l’époque, étudiants ou en stage. De cette expérience, dans laquelle les policiers se sont montrés aussi humains que possible, Bertrand Jardon retient cette interrogation: « Y-a-t-il une bonne façon pour annoncer ce genre de mauvaise nouvelle? » Ce père de famille prend maintenant son bâton de pèlerin, avec l’association des Parents d’Enfants Victimes de la Route pour sensibiliser les futurs inspecteurs de police.
Réflexion sur la mort
Chaque membre de la famille a entamé un processus de deuil, sous des aspects bien différents selon leur personnalité. Anne-Françoise Jardon, par exemple, ressent encore l’absence de son fils comme un manque abyssal: « Ne pas avoir pu lui dire au revoir a été très difficile. C’est paradoxal pour une maman qui accompagne son enfant pendant toutes les étapes de sa vie, de n’avoir pas pu le prendre dans ses bras au moment de sa mort, de ne pas avoir été là au moment de ce passage de la vie à la mort« . Pour conjurer cette douleur et lui rendre hommage, la maman de Maxime a rapidement décidé de rassembler les différents écrits de son fils pour en faire un recueil. Dans ce travail de mise en forme pour publier ces poèmes et ces textes, Anne-Françoise Jardon a été frappée par la réflexion que son fils aîné tenait sur la mort: « C’était un jeune qui avait déjà bien réfléchi dans sa vie, il avait beaucoup de questionnements sur le sens de la vie et de la mort. Je pense qu’il a laissé des traces de cette personnalité qui était si mature et étonnante pour beaucoup de jeunes de son âge. »
On pourrait imaginer également la profonde amertume ressentie vis-à-vis des circonstances mêmes de l’accident: Maxime revenait dans la nuit avec trois de ses amis d’une soirée arrosée qui clôturait un rendez-vous sportif. La fatigue, l’impression de connaître la route par cœur et enfin l’alcool ont amené le conducteur de ce véhicule à percuter un poteau le long de la route. Sa maman reconnaît qu’ »un accident, ça peut arriver à tout le monde. Non seulement, vous risquez d’être blessé ou de mourir mais surtout, vous risquez d’être responsable toute votre vie de la mort ou des blessures irréversibles de quelqu’un. » Le papa relève un paradoxe: « Maxime n’était pas titulaire d’un permis de conduire. Nous avons toujours été très sensibles à l’anticipation dans le domaine de la conduite lorsque que nous avons appris à conduire à nos autres enfants. Il faut être maître de ses actions, mais il faut aussi anticiper celles des autres. Au fond, on oublie parfois qu’on a une arme en mains. »
Sensibilisés à cette question de la sécurité routière, les deux parents de Maxime se sont investis sur le terrain associatif. Anne-Françoise Jardon s’est présentée sur la liste communale de Rixensart, avec la volonté de pouvoir mettre en œuvre « la charte ’Save’, qui engage la commune à améliorer la mobilité douce pour que chacun soit plus vigilant. » La maman s’est aussi investie dans l’association des parents désenfantés.
Un lien familial plus fort
Au-delà de la disparition de Maxime, le lien familial avec les autres enfants a dû aussi être reconstruit. La maman explique notamment: « Dès le premier jour, je me suis battue pour que mes autres enfants soient encore heureux. Nous avons, par exemple, organisé des activités en famille, nous sommes partis sur les traces de notre fils au Mexique où il avait voyagé lors de son Erasmus. » Son mari Bertrand confirme et précise: « Chaque fois, nous avons fait quelque chose tant pour la date de naissance de Maxime que pour la date de son décès. » Le jeune homme, même décédé, continue de faire le lien entre les membres de sa famille, avec toute la vitalité dont il avait fait preuve de son vivant.
Bertrand et Anne-Françoise Jardon ont eu la chance, si l’on peut dire, d’être chaleureusement entourés de leurs enfants, leurs parents et amis dans leur processus de deuil. « Ce sont les autres qui participent à notre reconstruction« , reconnaît le papa. « S’il y a un conseil à donner, c’est de s’exprimer… On doit dire, avec humilité, qu’on a besoin des autres. »
Anne-Françoise de BEAUDRAP
Emission à écouter ce Dimanche 11 juin à 20h sur La Première et à partir de lundi 12 sur le site CathoBel.be