Parisienne jusqu’au bout des ongles qu’elle a vernis en rouge, Anne-Dauphine Julliand affiche avec force ses convictions. Ce petit bout de femme ne s’en laisse pas compter. Venue défendre les couleurs de son premier film, elle arbore un optimisme à tous crins.
Et pourtant, les épreuves n’ont pas épargné l’existence de la quarantenaire. Il y a sept ans, Thaïs, l’aînée de ses filles décédait, rejointe par sa sœur Azylis en février dernier. Toutes deux ont succombé à une maladie orpheline. Par chance, les deux fils de la fratrie se trouvent épargnés de ce cataclysme.
Au départ du film "Et les Mistrals Gagnants", il y a le pari un peu fou d’une mère de famille qui n’a pas de scénario mais juste l’envie de filmer des enfants pour restituer la part d’enfance qui les illumine et les porte dans leur quotidien, aussi lourd soit-il. "Le cœur du film, ce n’est pas la maladie, mais la vie, précise d’emblée la réalisatrice. C’est une chronique." Il ne s’agit, en aucun cas, d’un film militant pro vie, mais d’un hymne à la vie, dans toutes ses dimensions. Anne-Dauphine a refusé de s’enfermer dans un projet préalablement construit, pour laisser la part belle à la grâce des imprévus. Une absolue liberté a dès lors prévalu dans la réalisation de ce projet, démarré sans canevas préexistant.
Un retour aux sources
"Légitime sur ce sujet" pour l’avoir vécu personnellement, Anne-Dauphine a veillé à "avoir la juste proximité" pour éviter de sombrer dans le pathétique ou le voyeurisme. Avec un sens de la formule assumé, elle assène: "La sensiblerie, ça occulte la sensibilité. L’émotivité, ça enlève l’émotion." Rires et larmes se côtoient tout au long du film à l’instar des existences réelles… De manière personnelle, un cheminement s’est opéré dans le cœur de la maman, qui distingue une rupture nette dans son rapport au monde et aux êtres. "Avant, le bonheur était dépendant des circonstances de ma vie." Puis est venu le temps de la maladie, avec la disparition des certitudes. C’est alors que la mère de famille va faire l’expérience d’une plongée en enfance. En calant ses pas dans ceux de ses filles, elle va retrouver son âme d’enfant, "qui était enfouie et qu’elles m’ont invitée à redécouvrir. Le bonheur et l’épreuve ne sont pas incompatibles", assure-t-elle. Pourtant, le bonheur n’est pas un droit acquis ni revendiqué. "On peut choisir d’être heureux, même si on est éprouvé." Loin des stéréotypes véhiculés par la société de consommation, Anne-Dauphine affirme haut et clair que le bonheur est, avant tout, "une capacité personnelle". Il n’est nullement question d’avoirs éphémères ni de possessions matérielles. Pourtant, elle reconnaît combien l’irruption de la maladie est bouleversante. "C’est dur d’accepter la maladie." Il faut à un moment y "consentir" pour arriver à survivre, dans toutes les composantes de son être. "La maladie et la mort d’un enfant, ça touche à ce qu’on a de plus intime. La perte d’un enfant habite au quotidien." Le parent ‘désenfanté’ fait l’expérience de la solitude absolue, malgré des tentatives de consolation plus ou moins proches. Le père et la mère se retrouvent plongés, malgré eux, dans les affres de la solitude, quand bien même leur couple est uni. Ce caractère très personnel des réactions empêche l’écrivaine de prendre la parole au nom des parents d’enfants malades. Elle n’est pas et ne sera jamais leur porte-parole, quand bien même la notoriété lui en donnerait la possibilité.
La force de la foi
Lorsque la maladie s’impose et bouscule les rêves, il arrive que le projet de vie consiste simplement à "accompagner la vie", notamment par le biais des soins palliatifs. "On peut toujours prendre soin quand on ne peut pas soigner." Anne-Dauphine est sensible au respect de la vie telle qu’elle est. "La vie, ce n’est pas un nombre d’années. Ce qui nous rend heureux, c’est l’amour et la façon dont on investit chaque instant." Pour faire face au séisme répété du deuil dans sa propre famille, Anne-Dauphine avoue être restée "collée au quotidien", en vivant "l’instant présent, juste l’instant présent". Croyante, elle évoque sa foi sans ambages: "dans cette très grande souffrance, j’ai ressenti un amour inconditionnel". Mais, plutôt que se demander pourquoi de tels cataclysmes lui tombaient sur la tête, la maman s’est demandé comment les accueillir dans son quotidien. "La foi, c’est une lumière sur le chemin", nous assure-t-elle. Si elle n’allège pas le fardeau, la foi permet de supporter les aléas plus paisiblement. Le sourire éclatant d’Anne-Dauphine l’illustre à merveille.
Angélique TASIAUX
> Lire la suite de cet article dans le journal Dimanche n°17 du 30 avril 2017 - S'abonner à Dimanche
Retrouvez Anne-Dauphine Julliand en radio dans l’émission "Il était une foi" sur La Première le dimanche 30 avril à 20h.