La sénatrice honoraire Clotilde Nyssens nous livre ses notes, après la conférence de l’islamologue Rachid Benzine, auteur remarqué du livre « Nour, pourquoi n’ai-je rien vu venir ? ».
Les prémisses sont consacrés à une note biographique : « Rachid Benzine est islamologue. Son centre d’intérêt est l’interprétation libérale du Coran. Né au Maroc en 1971 dans une famille de 9 enfants, son père est très pieux; il pratique un islam traditionnel. Arrivé en France à l’âge de 7 ans, sportif, il étudie, puis enseigne et s’occupe de la formation des imams à la demande du gouvernement français. Il a lu Ricoeur et Derrida et bien d’autres philosophes. »
Ensuite, la sénatrice rapporte les propos tenus à Namur: « Rachid Benzine plaide d’emblée pour le développement d’une politique de l’amitié. D’abord, la rencontre humaine, une rencontre amoureuse. ‘La société a d’abord besoin de métissage.’ Petit au Maroc, il fait la connaissance d’un prêtre catholique qui vivait dans son quartier et passait sa vie à demander aux gens en quoi il pouvait leur être utile. ‘Il est essentiel de faire des choses ensemble pour rencontrer les autres.’ Dans sa jeunesse en France, la rencontre avec le père Jacques Delorme fut déterminante pour lui. C’est à travers lui qu’il découvre le catholicisme et se passionne pour l’exégèse chrétienne. C’est en entrant dans la compréhension du discours du christianisme et de ses mythes, qu’il apprend à déconstruire les mythes de l’islam .
Il est passionné par l’approche historique des textes religieux qui lui permet d’apprendre comment fonctionnent les religions. ‘Elles ont toutes un langage mythique propre. Pour les comprendre, il faut des outils : l’histoire, la géographie, la linguistique, l’anthropologie, la sémantique : un texte ne peut être compris que dans son contexte de lieu et de temps. C’est ce qui s’appelle l’herméneutique de la réception. Toute religion doit être actualisée, en particulier aujourd’hui dans un monde qui a complètement changé, à l’heure de la sécularisation. Les religions ne peuvent plus imposer, elles doivent proposer.’
Ricoeur plaidait pour une vie bonne pour et avec autrui dans des institutions justes. Rachid Benzine déplore ‘une logique de l’identitaire, du mépris et du repli qui prévaut aujourd’hui, une logique du pour soi uniquement. Les musulmans qui vivent chez nous ont été appelés d’abord les maghrébins et puis les Français ou Belges issus de l’immigration et puis maintenant ils sont tous vus comme des musulmans ! Pourquoi ces identités meurtrières ? Pourquoi toujours dire « Eux… qui traitent les femmes comme inférieures, eux qui s’habillent comme cela, qui ne mangent pas cela…, qui portent atteinte à notre pacte civique et « Nous, … » ? Parce qu’il n’y plus d’espérance…’
Le monde est en train de changer. Il y a désormais plusieurs offres d’Islam. ‘Le jeune musulman est en rupture de transmission avec lui-même, avec ses parents et avec la modernité intellectuelle.’ La définition de l’islam est impossible à donner. ‘L’islam n’existe pas, il existe des musulmans. Il existe un islam particulier, propre à chaque strate de l’histoire.’
Quel lien entre l’islam et Daech ? ‘Il faut sortir d’une double réduction. La première selon laquelle ce que ferait Daech, c’est l’islam et la seconde selon laquelle Daech n’aurait rien à voir avec l’islam. Ces deux affirmations sont fausses. Il faut aussi prendre en compte que les jeunes conquis par Daech sont d’ici, Français ou Belges. Ces jeunes ne sont pas tous fous, ni pauvres. Ce sont parfois des étudiants brillants aimantés par une idéologie transnationale. Quel est l’univers de sens prôné par Daech ? Tout d’abord un rêve de l’unité, à travers le califat. Ces jeunes sont déçus par nos démocraties. Et puis un rêve de dignité. Ces jeunes attendent qu’on les respecte, ils ont un fort besoin de reconnaissance. Et puis encore, une recherche de repères, de refuge, de pureté. Et enfin une quête de sens : ils veulent donner un sens à leur vie et à leur mort. Dans une société mondialisée en crise, ils n’ont pas trouvé tout cela… Quels idéaux proposons-nous à la jeunesse ?’
Dans la deuxième partie de sa conférence, Rachid Benzine a rappelé et raconté l’histoire du Coran. Des propos à raconter une prochaine fois… », nous promet Clotilde Nyssens.