Le sacristain de l’abbatiale d’Hastière est intarissable sur cette église romane installée depuis plus de mille ans. Cet édifice est à découvrir dans le cadre des journées Eglises Ouvertes qui ont lieu ce weekend.
L’emploi du temps de Jonathan Porignaux se partage entre ses trois occupations principales: d’une part, un travail à la commune d’Hastière (près de Dinant), la gestion de l’abbatiale d’Hastière-par-delà, dont il est désormais sacristain, et l’organisation de la Maison du patrimoine qu’il a créée dans la rue principale de sa commune. La rencontre commence par une petite visite guidée de l’édifice religieux qui fait la célébrité touristique d’Hastière, au même titre que Waulsort dans la vallée dinantaise. « De combien de temps disposez-vous?« , commence par demander Jonathan Porignaux. Cela laisse entendre que si le visiteur disposait d’une après-midi ou même d’une journée complète, le guide passionné pourrait développer davantage les indications historiques et culturelles.
« Ce qui est intéressant, souligne Jonathan Porignaux, c’est la succession de deux styles architecturaux que l’on peut comparer dans le même lieu: le roman du XIe siècle, revisité au XIXe siècle, ainsi que quelques éléments gothiques. » Lui qui est préposé aux visites guidées de l’abbatiale remarque l’intérêt des étudiants en architecture sur cet aspect. D’autres visiteurs sont davantage interloqués par le dépouillement du bâtiment. Plusieurs objets du patrimoine sont mis à l’écart, et réservés pour des expositions thématiques. Cela évite les risques de vol ou de vandalisme, comme ce fut le cas de la statue Notre-Dame d’Hastière entre 1991 et 1994. D’autres visiteurs sont surpris de trouver là, au cœur de la Belgique, un Chemin de croix vietnamien. Elaboré pour l’exposition universelle de 1958 à Bruxelles, il a été racheté par une paroissienne pour l’église d’Hastière.
Une curiosité née à l’enfance
A entendre ces différentes explications, on ne s’attend pas à ce que le guide de l’abbatiale soit âgé d’à peine 33 ans. C’est un enfant du pays, connu des habitants pour son goût du patrimoine tant religieux que rural. « J’ai eu la chance d’être encouragé dans ce sens par l’ancien curé d’Hastière, l’abbé Albert Pirotte« , raconte Jonathan Porignaux. Enfant, Jonathan participait aux balades à vélo organisées pour les enfants du catéchisme, qui l’amène à connaître les moindres recoins de sa commune. Le curé qui a publié un ouvrage sur l’abbatiale romane d’Hastière, décrit l’édifice poétiquement: « Si vous avez la chance de monter à l’étage pour voir l’église et ses piliers, alors rêvez… Ces piliers, c’est l’homme debout, c’est l’humanité en marche vers la lumière du soleil levant distillée par les grandes fenêtres gothiques (au fond de l’édifice). Le Christ est la lumière… La régularité de ces piliers blancs, c’est la monotonie de la vie, la lourdeur, la pesanteur de l’existence, c’est l’homme s’élevant difficilement vers le spirituel. » Le jeune enfant d’Hastière comprend la beauté de ce lieu, il se passionne par le patrimoine local et surtout sa signification.
Son intérêt s’élargit dès l’enfance vers le vécu artisanal des habitants d’Hastière. « J’ai découvert une boucharde de tailleur de pierre dans le garage de mon père, avec laquelle je jouais sans savoir à quoi elle servait« , reconnaît aujourd’hui Jonathan Porignaux. « Je me suis renseigné auprès d’un tailleur de pierre, puis j’ai rendu visite au forgeron, puis au menuisier, au boucher… A chaque fois, les artisans me faisaient découvrir leurs outils, je repartais avec l’un de ces objets. De fil en aiguille, cela a rempli un garage. Depuis deux ans, j’ai tout transféré dans cette maison du patrimoine d’Hastière. Un rêve de jeunesse qui s’est transformé en réalité en 2012. » Aujourd’hui, des bus entiers viennent là visiter à la fois l’abbatiale romane et ce musée des traditions rurales, avec un guide commun: Jonathan.
Des objectifs à atteindre
L’investissement dans ces deux activités passionnantes n’a été possible qu’avec l’accord de la commune d’Hastière qui a accordé une grande flexibilité horaire. C’est aussi parce que Jonathan Porignaux est un enfant du pays, apprécié de beaucoup, qu’il a été embauché au service Urbanisme à la sortie de ses études. Il raconte après coup: « Je cherchais ma voie. Face à l’insistance familiale, j’ai essayé des études d’informatique, et j’ai abandonné rapidement. La commune s’est mobilisée pour m’offrir un emploi stable qui m’a permis de rester proche de mes passions: le patrimoine rural et l’abbatiale d’Hastière.«
Qui dit activités passionnantes suggère de nombreuses heures qui y sont consacrées. Le jeune homme a toutefois décidé de gérer plus prudemment son temps. « Et tant pis, si je dois attendre des délais plus longs pour atteindre des objectifs raisonnables. Je suis déjà tellement heureux de voir la Maison du patrimoine enfin mise sur pied.«
A.-F. de BEAUDRAP
L’abbatiale d’Hastière: renseignements sur www.patrimoinehastiere.be. Visites guidées sur demande au 0474.423.999.
Maison du patrimoine d’Hastière: situé rue Marcel Lespagne 70 dans le centre, il peut être visité librement ou avec les indications du guide. Même GSM que ci-dessus. L’entrée est libre, la participation aux frais aussi.
Week-end Eglises Ouvertes
Plus de 600 édifices religieux sont proposés cette année aux visiteurs, ces 4 et 5 juin 2016. Une découverte qui se fera par les yeux certes, mais aussi par les oreilles. Les églises et autres lieux feront entendre orgue solennel, carillon, lourdes cloches ou petites clochettes de l’enfant de chœur , murmures d’un confessionnal, bruit des fontaines, grincement des chaises ou des portes, souffle du vent dans la tour, chants des enfants… mais aussi les sons tels qu’on les voit sans les entendre: anges musiciens sur les vitraux, instruments de musique dans les tableaux et sur les chapiteaux, statues et chaires de vérité… La liste complète des activités se trouve sur le site www.eglisesouvertes.be ou sur la brochure à l’entrée des lieux ouverts à la visite.
Dans la région dinantaise, l’abbatiale de Waulsort participe également aux journées Eglises Ouvertes. Outre ce week-end, Hastière se prépare aux journées du patrimoine du mois de septembre prochain. En Wallonie, le patrimoine religieux et philosophique sera à l’honneur.