
Thomas Chatelle
Parce que lors d’un match entre jeunes amateurs, les moins fair-play ne sont pas toujours ceux à qui l’on pense, l’ancien footballeur professionnel, Thomas Chatelle, s’est lancé un défi: réinculquer cette notion aux parents.
Insulter l’arbitre et les joueurs de l’équipe adverse, avoir tendance à se prendre pour l’entraîneur ou encore encourager son enfant d’une manière non opportune, toutes ces actions sont souvent répétées par les parents des joueurs sur les bords des terrains de foot. Ils ne maîtrisent plus leurs émotions et on en arrive parfois à des faits de violence verbale et physique. C’est à force de constater ces faits que Thomas Chatelle a décidé de prendre le taureau par les cornes et a mis sur pied le projet « Parents Fair-play ». Son but? Que chacun respecte son rôle lors d’un match de foot: le coach entraîne et pousse les jeunes, l’arbitre fait en sorte que les règles soient respectées et les parents sont là pour encourager les joueurs.
« Je ne veux pas qu’on en vienne à des matchs de foot où c’est le silence complet, ça serait dommage parce que ce qui fait la beauté de ce sport, ce sont les émotions, ce sont les encouragements, et les déceptions aussi. Mais il faut que ça reste dans une certaine mesure. Donc, les parents doivent connaître les limites et laisser la place à l’entraîneur pour qu’il puisse jouer son rôle. » Le projet »Parents Fair-play » a donc pour objectif de lutter contre les comportements agressifs au bord des terrains, d’une part, en mettant en place un climat de respect mutuel au sein des clubs, d’autre part, en responsabilisant tous les acteurs d’un même club, en portant une attention toute particulière aux parents.
Un rôle sur mesure
Thomas Chatelle a donc eu l’idée de créer la fonction de « Parent Fair-play », soit une personne qui est présente régulièrement lors des matchs de son enfant et qui joue un rôle de modérateur et de conciliateur au bord du terrain, aussi bien lors de matchs joués à domicile que lors de ceux en déplacement. On en compte au minimum un par équipe. Cette personne n’a cependant aucun pouvoir de sanction ni aucune responsabilité juridique. Car, c’est en responsabilisant les parents qu’ils finiront par remplir parfaitement le rôle d’exemple pour leurs enfants. « Moi aussi, je suis parent. Donc je sais ce que c’est. Quand on va voir ses enfants jouer au foot ou vivre leur passion, on est dans l’émotion. C’est toujours des moments compliqués parce que, contrôler ses émotions, c’est sans doute une des choses les plus difficiles à faire surtout quand il s’agit de ses enfants et de sa progéniture. »
Et les missions du « Parent Fair-play » sont simples. Il enfile sa veste et son t-shirt bleus sur lesquels le logo est bien voyant et se charge d’accueillir l’équipe adverse. Il aide également les autres parents à se positionner au bord du terrain et fait tout pour mettre en place un contexte favorable et constructif autour du match. Il endosse ainsi le rôle d’exemple, de modérateur, de médiateur avec les autres parents. Mieux encore, il soulage l’arbitre qui ne doit donc plus gérer les bords de terrain. « En général, les parents se connaissent entre eux. C’est donc plus facile de raisonner quelqu’un que l’on connaît plutôt que de faire intervenir un jeune arbitre. Ses tâches sont déjà bien assez compliquées sur le terrain-même pour, en plus, lui demander de s’occuper de ce qui se passe en dehors. »
Clubs cobayes
Le projet pilote a été lancé il y a un peu plus d’un an en Wallonie. Vingt-et-un clubs se sont portés volontaires pour tester le programme. Avec, dans chacun de ces clubs, un responsable qui aura été nommé « Référent Vivons Sport ». Il suivra d’abord une formation donnée par deux psychologues de l’ULg spécialisés dans la gestion de conflit, Tiber Manfedini et Cédric Danse. Ensuite, après avoir reçu les outils nécessaires, »les clés », pour pouvoir gérer des situations compliquées, il chapeautera le projet dans son club. Tout y sera alors mis en place pour installer un climat fair-play et serein. Par exemple, en réinstaurant des petits gestes telle que la haie d’honneur pour saluer l’équipe adverse. « Le message qui passe en la faisant est génial. Ça se fait au rugby et jusqu’au plus haut niveau, donc si c’est possible de le faire pour des professionnels, pourquoi pas pour des jeunes? »
Elargissement du projet
Thomas Chatelle croise les doigts et espère que dès la saison prochaine, deux cents clubs viendront s’ajouter à la liste de ceux qui ont déjà « Parents Fair-play ». L’Association des Clubs Francophones de Football a repris le projet. C’est donc en très bonne voie. Et pour plus de visibilité encore, il y a désormais un parrain ou une marraine dans chaque province, une personnalité du monde du foot à l’image de Gaëtan Englebert pour la Province de Liège, qui va mettre son expérience au profit du concept, et porter fièrement les couleurs du projet et le faire connaître davantage. Enfin, l’objectif final est d’élargir « Parents Fair- play » à d’autres sports, tel que le hockey (les joueurs sont demandeurs), parce que, hélas!, beaucoup de disciplines sportives sont aujourd’hui victimes de ce manque de fair-play.
Pour l’ancien footballeur professionnel, le principal c’est « que les enfants se sentent à l’aise sur le terrain. Ils doivent sentir un climat serein et propice pour pouvoir vivre leur passion, s’amuser, progresser. Et les parents doivent faire en sorte que toutes ces conditions-là soient remplies. Parce que lorsqu’on met son enfant au football, à la musique ou peu importe, on a envie qu’il se développe, qu’il prenne du plaisir, qu’il s’épanouisse. Et malheureusement,quand on a des comportements négatifs comme ceux qu’on peut constater au bord des terrains, ça empêche tout cela « .
Thomas Chatelle est bien conscient que son initiative ne va pas régler tous les problèmes de violence qui ont lieu sur et autour des terrains de foot. Malgré tout, il tient à rappeler qu’aujourd’hui sur la pelouse, ce sont les parents et les supporters de demain qui jouent, et que c’est dès maintenant qu’il faut agir.
Natacha COCQ