Le sacrement du mariage, pour l’Eglise, est signe visible de l’amour du Christ pour son Eglise, mais aussi de la Trinité elle-même. Fondé sur la création de Dieu qu’il accomplit, le mariage sacramentel est engagement des époux l’un envers l’autre, mais aussi engagement de Dieu à l’égard des époux.
La thématique du mariage, en lien à celle de la famille, de la sexualité, ou encore de la procréation, occupe une place importante dans l’enseignement de l’Eglise catholique. Dans la mesure où cette question rejoint une dimension qui touche toute personne, qu’elle soit ou non chrétienne, les médias accordent généralement une grande attention à ce que l’Eglise dit sur la sexualité et le mariage. On a pu le constater tout récemment encore, à l’occasion de la publication d’Amoris Laetitia, l’exhortation que le pape François a écrite à la suite des synodes sur la famille de 2014 et de 2015.
Complémentarité
Si le mariage, pour les Eglises catholique, orthodoxes et anglicane, est un sacrement, elle est d’abord une réalité "naturelle" – y compris pour ces mêmes Eglises. Pour elles, le mariage est en effet inscrit au cœur de la création divine. Comme le décrivent, chacun à leur manière, les deux premiers chapitres du livre de la Genèse, Dieu a créé l’être humain "à son image" comme "homme et femme". Pour la théologie de l’Eglise concernant le mariage, telle qu’elle s’est notamment développée au cours du siècle dernier, cela veut dire que l’humain réalise notamment l’image de Dieu à travers leur différence et leur complémentarité en tant qu’homme et femme.
Cette complémentarité est appelée à être vécue tout spécialement dans le cadre de la vie de couple et la vie de famille. La première finalité du mariage est, comme le précise le code de droit canonique, le "bien des conjoints" (canon n° 1055). Plus précisément: dans le dessein de Dieu, l’homme et la femme sont appelés à vivre une union unique et indissoluble, à se donner l’un à l’autre dans un amour mutuel et irrévocable, et à se réaliser chacun par cet amour mutuel. Cet amour, en outre, est destiné, par lui-même, à déboucher sur la procréation. Cette ouverture à la vie nouvelle est en quelque sorte le fruit de l’amour réciproque.
Signe de l’Alliance
Or, c’est ce mariage ainsi compris comme naturellement unique, indissoluble et fécond, qui devient sacrement pour les chrétiens. Le mariage en tant que sacrement n’est donc pas un mariage "à côté", ou "en plus" ou différent du "mariage naturel", mais ce mariage naturel lui-même qui acquiert un sens nouveau.
Cette nouvelle signification accomplit le mariage tel que voulu par Dieu dans sa création. Le rapport du synode sur la famille de 2014 exprime comme suit ce qu’est le mariage en tant que sacrement: "Jésus, qui a réconcilié toutes choses en lui et qui a racheté l’homme du péché, n’a pas seulement ramené le mariage et la famille à leur forme originelle, mais il a aussi élevé le mariage au rang de signe sacramentel de son amour pour l’Eglise."
Le mariage devient ainsi le signe de l’Alliance nouvelle entre Dieu et l’humanité, Alliance réalisée dans le Christ. En d’autres termes, le mariage contribue à rendre visible, compréhensible cette Alliance, elle nous en donne une certaine expérience, en montrant d’une façon toute spéciale qu’il s’agit d’une alliance d’amour entre Dieu et les hommes. L’image du mariage, pour parler de cette Alliance, est présente dès l’Ancien Testament. Elle permet de parler de la tendresse infinie de Dieu pour son Peuple, épouse infidèle, mais que Dieu n’a de cesse de ramener à lui par sa miséricorde.
Quant à la nouvelle Alliance dans le Christ, elle est présentée comme les "noces de l’Agneau" (cf. Apocalypse, chapitre 19, versets 7 et 9). Ainsi, tout comme le sacrement du mariage est signe tangible de l’Amour de Dieu pour l’humanité, réciproquement, l’union de Dieu avec l’humanité apparaît comme le sens ultime du mariage. L’amour que les époux sont appelés à vivre, dans un don réciproque débouchant sur la procréation, se comprend alors comme image imparfaite, comme icône vivante de la Trinité elle-même, qui est don total et réciproque du Père et du Fils, dans l’Esprit.
C’est principalement en raison de cette signification du mariage comme sacrement de l’Alliance que l’Eglise attache autant d’importance au caractère indissoluble du mariage. Pour elle, en "négatif", une rupture de l’alliance matrimoniale est, par le fait même, infidélité à l’engagement de Dieu dans l’union entre les époux. Car tel est aussi, en "positif", le sens de ce sacrement: Dieu, qui appelle l’homme et la femme à s’unir (union qui, concrètement, doit dès lors faire l’objet d’un "discernement vocationnel", comme l’écrit le pape François…), leur donne la grâce pour vivre, construire l’amour mutuel au jour le jour. Ainsi, la fidélité n’est pas seulement une question d’engagement "une fois pour toutes" – ce qu’elle est par ailleurs –, mais d’engagement au quotidien, dans les gestes de tendresse du quotidien.
Par ailleurs, cet engagement de Dieu dans leur mariage, sur lequel les époux peuvent réellement compter, ne dispense pas les époux de construire également leur couple tout au long de leur vie commune, par le dialogue, la compréhension mutuelle, la miséricorde. La grâce de Dieu n’agit donc pas de manière automatique… Elle ne remplace pas l’apport des époux eux-mêmes, et n’empêche pas, de soi, qu’un échec puisse advenir. Et le caractère indissoluble du mariage ne doit pas empêcher que, dans des cas que l’on ne connaît hélas que trop souvent, l’un des conjoints (le plus souvent l’épouse...), ou les enfants, doive être soustrait à la violence de l’autre, ou protégé par rapport à ses manquements…
Consentement et consommation
Si le mariage implique un engagement de Dieu, il implique aussi, et même d’abord, l’engagement des époux, ce que l’Eglise appelle plus précisément le "consentement mutuel". Pour éviter des mariages forcés ou d’autres mariages non réellement consentis, l’Eglise, au cours de son histoire, a été amenée à préciser et à codifier cet aspect, indispensable pour qu’il y ait vraiment mariage. Pour qu’il y ait un véritable consentement, celui-ci suppose une réelle liberté de choix des futurs époux, ce qui implique, d’ailleurs, une forme de maturité humaine et, bien sûr, l’absence de contrainte extérieure.
L’absence de consentement réel rend le mariage non valide, qui peut dès lors faire l’objet d’une reconnaissance de nullité par le tribunal ecclésiastique compétent. Par contre, lorsqu’un mariage est validement célébré, il ne peut être annulé…
Ce consentement mutuel s’exprime lors de la célébration du mariage, par le "oui" de chacun des époux, et se faire en présence d’un prêtre et de deux témoins. Dans l’Eglise latine, l’on considère cependant que ce n’est pas le prêtre qui confère le sacrement du mariage aux époux, mais que se sont les "mariants" qui se donnent le sacrement l’un à l’autre, par l’échange de leurs consentements respectifs. Dans les Eglises orientales, l’on considère par contre que c’est bien le prêtre qui est le ministre du sacrement, ce qui se manifeste par un "couronnement" après l’échange des consentements.
Pour que le mariage soit valide, une autre condition est indispensable: que le mariage soit "consommé". Cette expression, au-delà de son caractère quelque peu rébarbatif, indique que l’union charnelle fait partie intégrante du mariage chrétien. Et ce, non seulement en vue de la procréation, comme on a pu le présenter pendant des siècles, mais aussi, et même d’abord, parce qu’il exprime et renforce l’union des époux. Dans Amoris Laetitia, le pape François l’exprime clairement: "L’union sexuelle, vécue de manière humaine et sanctifiée par le sacrement, est en retour un chemin de croissance dans la vie de grâce pour les époux."
Christophe HERINCKX (Fondation Saint-Paul)