Bien implanté à Bruxelles et bientôt à Liège et à Anvers, Duo for a job est un lieu précieux pour les jeunes chômeurs qui arrivent de l’étranger. Aidés par un coach, ils prendront le chemin du travail. Témoignages.
Mustapha Jnah et Alec de Laminne sont heureux de se retrouver, après quelques semaines sans se voir. Comme des amis qui auraient fait un bout de chemin ensemble, et qui poursuivent la route chacun de leur côté. Les retrouvailles ont lieu dans les mêmes bureaux où leur collaboration a commencé, dans les locaux de Duo for a job à Bruxelles. Il y a plusieurs mois déjà, le jeune pensionné Alec de Laminne faisait connaissance avec Mustapha Jnah. "Duo for a job, c’est comme un site de rencontres", reconnaît, en riant, l’ancien patron, Alec de Laminne. "Nous ne nous connaissions pas avant la première rencontre. Il n’y a que Frédéric Simonart et Matthieu le Grelle (fondateurs et dirigeants de Duo for a job, NDLR) qui savent à l’avance les compétences des mentors et le parcours des futurs mentees. Ce sont eux qui combinent les duos… et on voit ensuite si ça colle lors du premier rendez-vous." Il pourrait donc arriver qu’un coach ne corresponde pas à ce dont le jeune immigré a besoin. Duo for a job reverrait alors la copie.
Dans le cas de Mustapha et Alec, le contact fut bon dès le début. Ensemble, ils ont travaillé six mois sur le projet professionnel de Mustapha Jnah. Même s’il habite à Bruxelles depuis quelques années pour suivre son épouse et fonder une famille, le jeune homme rencontrait quelques difficultés pour trouver un emploi. Définir vers quel type de métier s’orienter, notamment en tenant compte des compétences initiales transférables en Belgique, savoir à qui s’adresser… et aussi comment formuler son CV et les lettres de motivation, le mentor Alec de Laminne a pu aiguiller Mustapha pour l’obtention d’un premier emploi de chauffeur routier. "Les structures, comme Actiris ou tout autre organisme de recherche d’emploi, n’offrent pas un accompagnement personnalisé", constate le jeune demandeur. Heureusement qu’ils l’ont orienté vers Duo for a job et qu’il y a rencontré son mentor: "Dès la première rencontre, j’ai beaucoup apprécié sa personnalité, il m’a impressionné. Le courant est passé tout de suite et j’ai senti que l’accompagnement se passerait bien parce que la communication était bonne entre nous."
Se préparer à l’imprévu
Du côté d’Alec de Laminne, le risque est aussi grand que passionnant. Le mentor formait pour la deuxième fois un duo, après avoir accompagné une jeune maman qui venait de Guinée-Conakry. "Entre cette femme et Mustapha Jnah, la situation de départ était très différente. Nous avons beaucoup de liberté dans la manière de faire fonctionner le duo." Le coach n’est pourtant pas laissé à la manœuvre sans filet. Il a reçu au préalable une formation de quatre jours pour savoir accompagner un jeune dans sa recherche d’emploi et, tous les deux mois, il continue d’échanger avec les autres mentors sur la manière de procéder, les conseils nécessaires et parfois aussi les échecs. Les rencontres hebdomadaires entre coach et chercheur d’emploi peuvent être comparées à un "examen d’université, raconte Alec de Laminne. Même si la préparation est bonne, je vais être confronté à des tas de choses que je n’ai pas pu préparer au départ."
Il est arrivé que Mustapha Jnah soit en désaccord avec son mentor, sur le fait d’accepter ou non une opportunité professionnelle. Le jeune Marocain soulignant que c’était une occasion comme une autre, le coach belge estimant que ce n’était pas le meilleur secteur d’activités pour lui. Au final, Mustapha a suivi son idée première après en avoir longuement discuté avec Alec de Laminne, qui en tire le bilan: "pour ces situations, nous avions heureusement un bon cadre, c’était une relation d’adulte à adulte. C’est intéressant de confronter deux points de vue, parce qu’on doit se convaincre soi-même, autant Mustapha que moi-même".
Au service de l’humain
Chaque duo fonctionne grâce à la bonne volonté de part et d’autre ainsi que l’ouverture d’esprit. Les jeunes mentees (qui sont coachés) viennent d’horizons très variés. Cela a permis par exemple à Alec de Laminne de nuancer quelques opinions bien tranchées qu’il avait précédemment: "il y a les Noirs, il y a les Blancs; il y a ceux qui pensent comme moi et ceux qui ne pensent pas comme moi. J’ai mis beaucoup de nuances et je me suis rendu compte que j’avais d’abord en face de moi un être humain. Un être humain où une culture vient se greffer. Je suis devenu différent. Et heureusement!"
En parcourant les centaines de photos qui décorent les bureaux de Duo for a job à Ixelles, impossible d’ignorer la différence de culture entre le/la jeune et le/la coach. Mais chaque duo rayonne d’un sourire, le signe qu’ensemble ils ont fait un bout de chemin. Selon les responsables de l’association, quelque 300 duos sont en cours pour un "contrat" de six mois. Frédéric Simonart, l’un des fondateurs de Duo for a job, explique: "Nous considérons que six mois, c’est suffisamment long pour créer un lien et travailler sur un projet professionnel. Pendant ce temps, à raison de quelques heures chaque semaine, le mentor peut distiller ses compétences et ses conseils afin qu’au bout, le mentee ait acquis une certaine autonomie ainsi qu’un projet professionnel clair et réaliste." Evidemment, c’est un bonus si le jeune a déjà trouvé un travail à la fin du coaching.
Au-delà des six mois, l’équipe de Duo for a job garde le lien avec les mentors autant qu’avec les mentees. D’anciens chercheurs d’emploi signalent lorsqu’ils ont trouvé un nouveau job, ils préviennent aussi des bonnes nouvelles personnelles (naissance, mariage), comme dans une grande famille. Le succès étant au rendez-vous, la structure envisage de s’implanter maintenant dans d’autres régions de Belgique, c’est-à-dire à Liège pour la Wallonie et Anvers pour la Flandre. Ce sont des villes qui présentent les mêmes défis, qui ont la même structure de population que Bruxelles.
Anne-Françoise de BEAUDRAP