Le Dalaï-lama vient de publier un ouvrage sur la responsabilité universelle et la protection de la vie, humaine et non-humaine, intitulé Nouvelle réalité. L’âge de la responsabilité universelle. Ce livre inclut également son Manifeste de la responsabilité universelle.
« Le Dalaï-lama n’est pas le seul de nos jours à mettre en avant la responsabilité », explique, lors de son passage récent à Bruxelles, Sofia Stril-Rever. L’écrivaine et indianiste française a tenu la plume de cet ouvrage, tout comme de deux livres précédents du leader du bouddhisme tibétain et lauréat du Prix Nobel de la Paix de 1989. Stril-Rever fait, entre autres, référence à l’encyclique Laudato si’ du pape François « qui appelle l’être humain à être gardien de toute la création, donc responsable » ainsi qu’à « la Déclaration universelle des droits de l’humanité » que le Président français, François Hollande, a fait rédiger par des juristes en amont de la Conférence sur les enjeux climatiques de Paris de 2015 et qui doit être discutée pour adoption par les Nations-Unies.
Une responsabilité par rapport aux générations futures
Cette notion de responsabilité manquait dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ou dans la Déclaration universelle de droits de l’homme de 1948. « On était dans le registre des droits, ce qui était nécessaire à cette époque », dit Stril-Rever, « mais la menace qui pèse sur la vie terrestre de nos jours nous oblige à assumer davantage notre responsabilité. Cette nouvelle notion dans le droit occidental, qui jusqu’à présent était très ‘présentiste’ et ne tenait pas compte des générations futures, est intimement liée à l’interdépendance des écosystèmes: il peut y avoir responsabilité du fait qu’il y a interdépendance. Or, nous avons été irresponsables en méconnaissant systématiquement ce lien d’interdépendance de tout vivant sur cette Terre. »
Egoïsme, cupidité et apathie
Cependant, le fait qu’il y a des échéances entretemps pour la sauvegarde tout court de la vie terrestre, ne doit pas mener au défaitisme. « Je crois en la bonté fondamentale de l’être humain. » Mais l’enjeu est aussi large que la technicité des questions climatiques: la réduction d’émission de gaz à effet de serre, la sauvegarde de forêts, le changement de comportement nutritionnel, etc. « Un spécialiste américain du droit environnemental – Gustave dit ‘Gus’ Speth, conseiller de la Maison Blanche sous plusieurs présidents – avoue avoir pensé en effet que les priorités étaient des questions techniques qui pouvaient être réglées en quelques décennies. Or, aujourd’hui, il est d’avis que les problèmes les plus graves pour l’environnement sont: l’égoïsme, la cupidité et l’apathie. »
Une prise de conscience nécessaire
Le Dalaï-lama, dans son nouvel ouvrage, exhorte chacun à se transformer par la paix intérieure, l’altruisme et la compassion. « Ce serait très réducteur de dire qu’il faut être bouddhiste pour une prise de conscience de nos interdépendances », dit Stril-Rever. « Cette intuition de la sagesse bouddhiste ancestrale est singulièrement moderne et elle est partagée désormais non seulement par le pape, mais aussi par grand nombre de scientifiques et de philosophes. Or, après des vies entières au service de la question de l’environnement, des scientifiques tels ce Gus Speth se disent incapables: nous ne pouvons pas le faire, car il faut une vraie transformation culturelle et spirituelle. » C’est à cette prise de conscience que le manifeste du Dalaï-lama nous appelle.
Benoit Lannoo – Photo: © D.R.
Le Dalaï-lama et Sofia Stril-Rever, Nouvelle réalité. L’âge de la responsabilité universelle, Paris, Éditions des Arènes, 2016, 268 pages, 19 euros.