Peinture : une découverte attachante


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Peinture : une découverte attachante
Par Angélique Tasiaux
Publié le - Modifié le
3 min

Georges Le Brun - Le village dans la vallee (c) Jacques SpitzA Namur, le musée Rops place sous la lumière, le temps d'une exposition temporaire, les œuvres d'un peintre belge méconnu et oublié, Georges Le Brun.

Habituellement, ce sont les peintres flamands, comme Permeke, ou bruxellois, tel Mellery, qui occupent le devant de la scène du symbolisme belge. Or, en Wallonie, il y eut aussi des peintres symbolistes. La preuve en est donnée avec Georges Le Brun.

Natif de Verviers, Georges Le Brun connut une existence brève, puisqu'il fut fauché par la Grande guerre dès son commencement. En deux décennies, ce peintre pratiquement autodidacte a composé une œuvre originale, sans artifices. Ses tableaux touchent et parlent au cœur, parce qu'ils représentent des lieux de notre imaginaire comme la Fagne et les paysages boisés.

La vie dans tous ses états

Les tableaux de paysage ou d'intérieur sont habités et caractérisés par une atmosphère empreinte d'une touche particulière; les sensations du spectateur sont convoquées d'emblée dans la représentation. Si, à l'inverse, ses portraits paraissent plus scolaires, ils célèbrent néanmoins des scènes du genre quotidien, qu'il s'agisse de l'épluchage des pommes de terre ou du laçage des lacets... Les clairs-obscurs sont saisissants de pertinence. Ainsi en est-il de "L'Homme qui passe", une silhouette tout en jambes entraperçue entre deux pièces. Il s'en dégage une impression forte de déjà vu ou ressenti pour le spectateur qui assiste à l'événement ou se retrouve plongé dans une scène connue. L'homme a observé le monde rural environnant avec acuité et bienveillance. Le Brun a un souci du détail qui transparaît dans ses compositions. Dans la rétrospective namuroise, un croquis présentant le travail préparatoire livre au regard du visiteur la précision de l'artiste. Habitué à des techniques différentes, il recourt tantôt au noir et blanc, tantôt aux pigments colorés. Jamais criardes, les couleurs de ses tableaux se font tendrement pastels.

Une bourgeoisie sensible

Modernes, les nantis aiment à contester l'ordre établi. Mais quel contraste entre l'hôte des lieux, Rops, qui prenait plaisir à se moquer de la bourgeoisie bien pensante et Le Brun, invité au musée Rops, qui s'est intéressé aux plus démunis allant jusqu'à s'effacer derrière la simplicité. Aux ors de Bruxelles, il préféra le charme de sa campagne, source d'inspiration féconde. Si certains voulurent faire de lui le chef d'un courant de peinture nommé l'école de Verviers, l'intéressé ne revendiqua jamais semblable statut de son vivant et ne consigna aucune doctrine. Peu importe les noms; il y eut manifestement des affinités électives. Au tournant du siècle, c'est à Theux, non loin de Spa dans la province liégeoise, qu'il s'était installé avec sa famille, devenue, un temps, le sujet de ses tableaux. Erudit et voyageur, Le Brun a séjourné en Hollande et en Italie, mais c'est à la région de la Fagne qu'il prêtera ses lettres de noblesse. Peu avant sa mort, il lui lègue un triptyque en guise de testament. La Haute Fagne occupe l'espace, dans une composition géométrique aboutie et raffinée. De part et d'autre du chemin, deux charmilles dénudées dressent en miroir leur ramure dentelée, tout en finesse. C'est le prélude de l'exposition namuroise, qui débute sur cette introspection universelle.

Angélique TASIAUX

L'exposition "Georges Le Brun, maître de l'intime" est accessible jusqu'au 6 mars 2016 au musée Félicien Rops, rue Fumal, 12 à 5000 Namur - tél. 081. 77 67 55. Un magnifique catalogue dresse l'état actuel des recherches sur le peintre.

Catégorie : Culture

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