Quand chrétiens et musulmans se rencontrent


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Quand chrétiens et musulmans se rencontrent
Par Manu Van Lier
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
4 min

20151121_rencontre_islamo_chretienne_LLNCent-vingt personnes, dont un tiers de musulmans, se sont retrouvées le 21 novembre à Louvain-la-Neuve pour participer une rencontre organisée par le Groupe Islamo-Chrétien de Louvain-la-Neuve. Respect, relations humaines et vivre ensemble étaient au rendez-vous de cette rencontre sur le thème: "cours de religion et vivre ensemble".

Les cours de religion favorisent-ils ce vivre ensemble ou bien l’enfermement dans des idées dogmatiques inadaptées à notre société? Cette question qui pourrait sembler assez éloignée des circonstances actuelles de radicalisation, est en réalité cruciale pour en trouver une solution à long terme. Il est en effet évident que c’est à l’école que les jeunes se forgent leur vision du monde, c’est là qu’ils peuvent, ou non, acquérir un sens moral leur permettant de juger des situations d’une manière critique et de comprendre en profondeur ce que signifient nos valeurs fondamentales telles que la démocratie, la laïcité ouverte, l’égalité de tous et notamment des hommes et des femmes, le pluralisme, la séparation des pouvoirs, le dialogue interculturel, etc., bref les lois du vivre ensemble. C’est d’ailleurs l’objectif des futurs cours de citoyenneté, mais il n’est pas du tout sûr que ces cours qui se voudront neutres, impersonnels intéresseront vraiment les élèves, car tout dépend justement des qualités humaines, du témoignage personnel de l’enseignant.

Dans les carrefours, musulmans et non-musulmans relatèrent leur vécu de professeurs, de parents ou de jeunes. Dans de tels échanges où l’on s’écoute vraiment, bien des préjugés mutuels tombent et le fond commun (de fraternité humaine) émerge. Comme le disait Bruno Eliat, professeur de religion catholique dans l’enseignement officiel: à partir du moment où un respect de l’autre est vécu, une relation humaine authentique peut naître progressivement et s’épanouir ensuite en véritable amitié que les divergences n’empêchent pas: au contraire, elles doivent être dites, en toute franchise, et acceptées de part et d’autre. Elles nous font même progresser dans notre foi en permettant de l’épurer et d’en approfondir l’essentiel sous les idées de surface.

Fatima Jalali, quant à elle, a décrit dans son document les nombreuses collaborations existant dans son école entre professeurs des religions et de morale, et même de français et de dessin: des projets communs sont ainsi réalisés sur divers problèmes de société tels que l’environnement, l’eau, le gaspillage, l’alcool, les tags, l’internet etc. Une pièce de théâtre est en cours de réalisation et sera jouée en fin d’année devant tous les parents. Il est clair que tout cela favorise fortement le vivre ensemble, surtout quand les professeurs montrent l’exemple!

Tanguy Martin, inspecteur de religion dans l’enseignement libre, a dit sa crainte que la suppression décidée d’une heure de religion ne mène à aggraver l’ignorance religieuse des jeunes. Mais comment pourront-ils trouver leur équilibre humain si on leur ampute cette possibilité de s’exprimer sur le plan religieux, de se confronter aux avis différents, d’être mieux informé sur ce que dit vraiment leur religion? Ils ont besoin de trouver devant eux un professeur qui a réfléchi sa religion à la lumière de la raison tout en y étant engagé personnellement. A vouloir arracher les racines religieuses de leur culture, on risque bien de les pousser à chercher la réponse à leurs questions de sens dans des groupes sectaires, le résultat serait donc justement ce qu’on veut éviter…

Pour Hicham Abdelgawad, les jeunes sont en effet en recherche de ce sens plus global et profond: la promesse de l’autre vie dont la qualité dépendra de cette vie-ci. Ce ne sont pas des cours neutres d’histoire des religions qui permettront aux jeunes de trouver la réponse à de telles questions existentielles. Les grands oubliés du débat actuel sont les jeunes eux-mêmes. Il faudrait pourtant partir de leur attente profonde, qui ne pourra pas se satisfaire d’un simple concept de neutralité. Il est essentiel de les aider à discerner dans leur héritage religieux ce qui relève de valeurs universelles et ce qui appartient à des idées et à un contexte du passé, sinon ce seront les lectures littéralistes de leur tradition qui l’emporteront dans leur esprit.

Philippe de Briey

Catégorie : Belgique

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