Dans l’univers muséal, les salles du Cinquantenaire gisent telles de belles endormies, oubliées dans leurs murailles. L’exposition consacrée aux sarcophages constitue dès lors une heureuse nouvelle pour les amateurs d’art belges, qui se réjouissent de découvrir une part du patrimoine consigné dans les réserves.
Les Belges disposent étonnamment de pièces conséquentes, grâce à une donation égyptienne qui remonte à la fin du XIXe siècle, lorsque 153 sarcophages furent mis à jour à Louxor. Dans cette exposition, les deux tiers des pièces proviennent d’ailleurs du musée bruxellois, hôte des lieux.
La science, adjuvant des chercheurs
Un aspect fascinant de l’évolution des connaissances, c’est la progression des savoirs enregistrés. Datation des pièces, contenus des tombes ou des trésors exhumés, toutes ces traces historiques sont tirées de l’oubli avec une précision de datation qui relève quasi du sortilège! Les machines pénètrent désormais les secrets du moindre caillou ou tesson soumis à leurs rayons. Et, cerise sur le gâteau, les visiteurs ont la possibilité d’observer des chercheuses italiennes de l’Istituto Europeo del Restauro d’Ischia en pleine cogitation sur une série de dix sarcophages et planches de momies en provenance de la deuxième cachette de Deir el-Bahari. Etonnante idée de présenter, en fin de parcours, les scientifiques dans leur travail de restauration, à l’abri d’une cage de verre. De telles mises en scène sont devenues fréquentes en Italie ou en France dans les expositions temporaires, qui cherchent à se démarquer et attirer le visiteur, coûte que coûte.
Une harmonie binaire
Cette exposition est placée sous l’égide de la déesse Nout, la voûte céleste, garante d’immortalité dans l’au-delà. La visite est rythmée par une progression à travers 12 salles, qui symbolisent les 12 heures de la nuit. Et l’emblème-phare de ce cheminement est le sarcophage, décliné sous toutes ses formes, depuis un simple cercueil, caisse de bois ou de céramique jusqu’aux sarcophages de pierre. Richement ornés de textes ou de scènes censés assurer une protection éternelle, les cercueils évoluent et changent peu à peu de forme, devenant anthropomorphes. Les symboles se font plus présents, avec notamment une représentation de l’œil protecteur Oudjat ou d’une fausse porte, qui assure la liaison entre les deux mondes. Pleureuses et prêtres sont chargés d’accompagner le passage et participent pleinement au rituel funéraire. Un rite extrêmement codifié, où chaque détail a son importance. Ainsi en est-il du mobilier funéraire réuni dans la tombe afin d’éviter au défunt de se sentir exilé, loin de son environnement habituel. Couvercles de cercueils et cartonnages complètent aussi les accessoires usuels.
Célèbres dans l’imaginaire enfantin, les momies sont multiples et spectaculaires. L’embaumement requiert une manière de procéder rigoureuse et certaines momies d’animaux s’apparentent davantage à des ex-voto, faute de receler un véritable corps. Débutée en Egypte ancienne, l’évocation des rituels funéraires se poursuit jusqu’à la période gréco-romaine, allant même jusqu’à exposer le corps d’un enfant…
Angélique TASIAUX
L’exposition « Sarcophagi » est accessible jusqu’au 20 avril 2016. Un livre a été édité à cette occasion, sous la plume de Luc Delvaux et Isabelle Therasse, « Sarcophages. Sous les étoiles de Nout », aux éditions Racine.