Depuis le Morvan à la beauté sauvage jusqu’aux sentiers surplombant les vignobles du sud de la Bourgogne, quatre pèlerins ont marché en découvrant la spiritualité de François, le « poverello » et s’émerveillant avec lui devant la beauté de la Création. Tissant sur ses traces et ensemble, une fraternité élargie aux hôtes du chemin. Avec des rencontres magnifiques à la clé…
Devant le Centre spirituel Notre-Dame de la Justice (Rhode-Saint-Genèse), des retraitants médusés regardent une mini camionnette, qui n’en finit pas de se remplir de victuailles. Paule Berghmans, la directrice du Centre et l’une des animatrices du pèlé, a la main, jusqu’à repositionner une à une, certaines pommes, pour prendre le moins de place possible et traverser le Morvan, où les commerces ne feront guère partie de notre horizon. Thierry, Annick, Paule et moi nous préparons à embarquer lorsque, délicieuse surprise, d’anciens pèlerins nous rejoignent pour confier ensemble notre chemin. La fraternité n’est pas un vain mot.
A Vézelay, Frère Grégoire, le prieur des fraternités monastiques de Jérusalem, nous attend. Assis dans leur jardin au pied de la basilique, haut lieu de pèlerinage, nous l’écoutons nous parler du sens de cette démarche, qui met tout l’être en mouvement: « Dieu va vous y parler par les événements. Pas après pas, la marche aide à recevoir, goûter, assimiler… Il s’agit d’être présent, tel un explorateur certain qu’il va trouver quelque chose, sans savoir précisément. Joyeusement attentif, comme François d’Assise, qui a vécu l’Evangile immédiatement, convaincu que Dieu est dans ce qui nous est donné de vivre. »
Sous nos yeux, s’étire le superbe panorama des collines du Morvan, qui ont donné rendez-vous à nos mollets. Le soir, Raoul de Buisseret, un franciscain belge, curé de Vézelay, vient partager notre repas. Un rayon de soleil entre, celui de la joie de l’Evangile… incarné. Frère Raoul a aménagé un vieux mobilhome pour aller vers la périphérie, à la rencontre des paroissiens disséminés dans des coins reculés.
A la sortie de Vézelay, un chevreuil hésite à sauter la pente. « Seigneur, aide-nous à nous lancer ». Dans la campagne voisine, la chapelle de la Cordelle, première implantation franciscaine à l’étranger et point de départ du chemin, respire déjà la paix d’Assise. De passage, Michel Laloux, le provincial, d’origine belge lui aussi, nous fait l’honneur d’y bénir nos tau, la croix de saint François, portée par les pèlerins. Nous voici envoyés par ce danseur de Dieu car Michel respire comme il danse, la louange, l’offrande…
Quittant la « colline éternelle », nous arpentons des champs à perte de vue, qui ne parviennent plus à nourrir les agriculteurs, nous a dit Raoul. Sous nos yeux, les tournesols alourdis inclinent la tête pour féconder la terre. Lors du pique-nique, nous contemplons, assis sur une pierre, sous un joli pont romain, les éclats de lumière dans la rivière, « la Cure ». La lumière danse elle aussi tandis qu’un martin pêcheur ajoute furtivement sa touche de couleurs au tableau.
S’émerveiller et reconnaître l’invisible
Des thèmes chers au poverello continuent à nourrir notre avancée. Dès le sixième jour, la pluie s’invite généreusement. Lors d’une interminable montée en forêt vers Autun, l’orage gronde, nous accélérons le pas mais avons du mal à voir les balises tant il fait noir. La fraternité fait corps, avec un sourire en cape. Une belle expérience! Sans doute avons-nous trop prié notre sœur l’eau pour la Bourgogne asséchée…
Alors que nous méditons sur l’évangélisation par l’amitié, la rencontre de deux personnes nous rejoints, comme en écho à l’encyclique du pape François. A Lys, une artiste tapissière nous parle d’une pauvreté choisie avec à la clé, une qualité de vie. A Bray, c’est un viticulteur bio, surpris en train de faire remonter le moût dans une cuve, qui, rayonnant, explique: « plus de travail, moins de sulfites, tout boni pour la santé ». Tous deux nous parlent d’une « sobriété heureuse ».
De Taizé – une grâce de plus sur notre chemin -, nous descendons vers Cluny, terme de notre pèlerinage. Dans les vignes, déjà vendangées, nous grapillons de goûteux raisins, en abondance. Autant de clins Dieu que d’arcs-en-ciel ont jalonné notre marche. Magnificat!
Pour ceux que l’aventure tente, le Centre spirituel ND de la Justice poursuit le pèlerinage sur le chemin d’Assise, avec la traversée des Alpes, du 11 au 24 septembre 2016. Une réunion d’information a lieu le mardi 27 octobre de 20 à 22h. (Tél. 02/358 24 60)
Béatrice Petit
Lire le reportage intégral de Béatrice Petit dans l’hebdomadaire Dimanche du 25 octobre 2015