Passionné par la vie et par la nature, pionnier de l’écologie sans faire de politique, Yves Van Cranenbroeck se réjouit de ce que le pape François a déclaré le 1er septembre, Journée mondiale de prière pour la Sauvegarde de la création.
Sans nul doute, Yves Van Cranenbroeck est difficile à présenter, tant il a de multiples tâches et passions. Citoyen engagé, il a mené de nombreux combats. Et s’il est un militant passionné de la défense de la nature depuis 1973, il s’est souvent interrogé sur ce que l’Eglise catholique faisait pour l’environnement. Inutile de dire donc que l’encyclique Laudato Si du pape François l’a réjoui.
Yves Van Cranenbroeck a aussi découvert que la préoccupation de la protection de la nature est depuis longtemps inscrite dans les gènes de l’Eglise orthodoxe. Et lorsque François a décrété que le 1er septembre sera désormais la « Journée pour la sauvegarde de la Création », cela l’a marqué.
Pour vous, le choix du 1er septembre par le pape est une main tendue aux orthodoxes?
Tout à fait. Et c’est confirmé par la liturgie de la création de nos frères orthodoxes. Dans l’Histoire de l’Eglise orthodoxe, il y a de nombreux saints qui ont fréquenté des animaux que nous estimons, nous, peu fréquentables. Saint Séraphin avec son ours, en est un exemple. Mais il y en a eu d’autres, avec des lions, des loups, des vipères. Et nos frères orthodoxes disaient: « Ça, c’était avant la chute, la chute d’Adam et Eve. Le paradis était là et l’homme y vivait en harmonie avec la Création. »
Grâce au monastère de Solan en France, vous avez découvert cette orthodoxie que vous aviez approchée par les livres.
Une émission sur RCF présentait le livre « Le monastère de Solan », une aventure agro-écologique publiée aux éditions Actes Sud. Dans cette présentation, il y avait, d’une part, l’orthodoxie qui me fascine depuis que je suis très jeune et, d’autre part, l’agro-écologie et l’agriculture biologique; sans oublier Pierre Rabhi, que je n’avais jamais eu l’occasion de rencontrer. Le monastère de Solan est une dépendance du monastère Simonos Petras. Les sœurs sont des religieuses orthodoxes. J’ai rencontré à Solan une communauté fantastique qui vit le monachisme d’origine. Les sœurs de Solan cultivent des légumes bio, produisent du vin et fabriquent des pâtes de fruit, de la confiture.
Vous êtes fasciné par l’autarcie des communautés bénédictines qui vivent de leur production. Avez-vous importé à Maredret ce que vous avez découvert à Solan?
Oui, j’en ai fait un rapport à la communauté des sœurs de Maredret et donné une conférence en leur expliquant tout ce que j’avais vu. La simplicité volontaire réside dans cette capacité d’un être humain de se dire qu’il va vers la sobriété et qu’il peut se passer d’un certain nombre de choses. C’est cette simplicité que les sœurs vivent grâce à la Règle de saint Benoît. Elle permet cette belle rencontre entre deux communautés qui ne se sont jamais vues.
Vous dites que l’Eglise orthodoxe s’est rendu compte, il y a vingt ans, de la destruction que l’Homme faisait à la nature. Vous parlez de trois couches de destruction.
C’est d’abord une réflexion. En 42 ans de combat, la situation écologique devient intenable: cela se dégrade et les beaux discours sont de la poudre aux yeux. La réalité est que cette destruction n’arrête pas de s’accélérer. C’est absolument dramatique et c’est la foi qui me soutient et me donne cette espérance, ce courage d’agir. Cette foi que j’ai reçue de mes parents, de mes ancêtres à qui je rends hommage. Alors, ces trois couches en question, quelles sont-elles? Quand l’humanité a été créée, la nature n’était pas aussi romantique que celle qu’on voit aujourd’hui: il fallait lutter contre les éléments. Et l’homme a souffert de cela. Bien entendu, l’homme a profité de toute l’harmonie de la Création et des équilibres de la nature. C’est la première couche. La deuxième couche, c’est l’Homme qui l’a ajoutée et en est responsable: ce sont les violences, les guerres, tout ce qu’on peut imaginer qui sépare et qui blesse. Puis, l’être humain a créé la troisième couche: la destruction de l’environnement. Ces trois couches se juxtaposent aujourd’hui pour provoquer des catastrophes absolument innommables.
D’ici quelques semaines aura lieu la conférence sur le climat à Paris. En espérez-vous quelque chose de concret?
Dans son encyclique, le pape François aborde cette question de la conférence sur le climat et dit qu’il ne faut pas en attendre grand-chose, malheureusement. Notre pape est très bien éclairé là-dessus. Mais il faut toujours vivre d’espoir. Ces conférences internationales sont hélas souvent de la poudre aux yeux et l’occasion de permettre aux politiques de dire qu’ils font quelque chose.
Le patriarche Bartholomée de Constantinople a écrit un livre intitulé « Et Dieu vit que cela était bon ». Y avez-vous trouvé des convergences avec l’encyclique Laudato Si du pape François?
Il y a beaucoup de convergences mais on sent bien aussi des différences qui sont à la fois culturelles mais aussi profondément spirituelles entre nos deux Eglises. L’encyclique du pape, par exemple, ne fait pas référence aux Pères de l’Eglise. Par contre, dans le livre du patriarche Bartholomée, ce qui est une caractéristique de la tradition orthodoxe, ce sont les racines. Ces deux document sont extrêmement intéressants à lire l’un à la suite de l’autre, parce qu’il y a de la convergence, ne serait-ce que parce que le pape et le patriarche font mutuellement référence aux écrits. Ce qui est magnifique. C’est un hommage mutuel qui est fait; mais, les particularités sont bien là et, il faut le reconnaître, on sent d’un côté comme de l’autre, une prise de conscience, on est à un moment critique de l’existence humaine, et tous deux insistent sur ces moments que nous vivons.
Vous êtes porté par l’Evangile. Si vous aviez une parole d’espérance à lancer à tous, quelle serait-elle?
« Et moi, je suis avec vous, jusqu’au bout, jusqu’à la fin du monde ».
Propos recueillis par
Jean-Jacques Durré
Extraits de l’émission « En débat » diffusée sur RCF Liège et à réécouter en podcast sur www.rcf.be