Par les temps qui courent, l’inauguration d’un nouveau musée en terres wallonnes est rare. Ouvert au mois de mai, le musée Keramis explore la céramique ancienne et contemporaine. Voilà une idée d’excursion inédite dans le Hainaut !
Les abords sont en chantier, le visiteur cherche l’entrée… Et puis, au milieu de nulle part, se dresse un lieu dédié à la mémoire locale et au futur d’une région en mutation. Pour qui a connu l’ancien complexe industriel, retrouver ce lieu en passe d’être aménagé s’avère émouvant. L’histoire se poursuit, là où elle avait commencé, avec ses aléas et ses espoirs.
Un fleuron national
La marque Royal Boch est inscrite dans le patrimoine familial de nombreux Belges. Assiettes creuses ou plates, saladiers ou sucriers se retrouvent dans les buffets et se transmettent souvent au fil des générations. Ces objets appartiennent aux souvenirs et au quotidien. Utiles, quelquefois précieux, ils figurent sur les tables et sont partie prenante des décors de fête, mais aussi des discussions animées lors des repas. Les péripéties de l’usine louviéroise ont marqué les esprits. La grandeur et le déclin de cette enseigne incarnent les difficultés d’une région frappée de plein fouet par les mutations économiques. La fondation de l’usine remonte aux années qui suivirent la révolution de 1830. C’est dire si l’histoire de la manufacture des frères Boch est intimement liée à celle de la jeune nation belge. L’histoire qui avait commencé sous d’heureux auspices s’est soldée par un échec cuisant, où faillites successives, désarroi, grèves et amoncèlement de faïences brisées ont occupé la une des journaux. Une tragédie industrielle magnifiée par les photographies de Véronique Vercheval qui a réalisé des portraits du personnel pendant l’occupation des locaux durant l’hiver 2009. Nombreux se souviennent de ces visages graves exposés sur les palissades qui ceinturaient alors l’usine.
Une vaste production
Carlotta, Copenhague, Grand Bouquet, Keralux, Noix, Argenteuil, la vache qui regarde passer les trains, Rhodia, Ramona, Dragon, Rambouillet, Ney, Expo 58, Sorbier, Alhambra, Romarin, Kimono, Baltic, Bonaparte, Boerenbont, Kitchen, Veni, Vienne, Rangoon… Le catalogue était varié et des « designers » reconnus ont marqué de leur empreinte les collections, tel le fameux Charles Catteau, dans les années 30. Au rez-de-chaussée, la réserve du musée est présentée au visiteur, qui retrouvera avec bonheur d’anciens objets qu’il croyait oubliés ou disparus. De petites séquences filmées complètent la visite, avec des explications didactiques sur les techniques de fabrication des faïences. Dans le désordre, on retrouve le coulage et la barbotine, le calibrage, le façonnage, le moulage, l’émaillage, l’impression par aérographie ou sérigraphie, le triage… C’est tout un pan de l’histoire industrielle qui se joue là!
Un patrimoine industriel
La construction du musée s’est articulée autour des trois fours-bouteilles, d’un diamètre de six mètres. Joyaux de l’archéologie industrielle du XIXe siècle, ces fours à céramique, derniers exemplaires en Belgique, sont mis en valeur dans une grande salle à la toiture de bois qui les intègre parfaitement. Jadis alimentés de charbon, ces fours ont heureusement échappé à la destruction. Classés depuis 2003, ils sont désormais reconnus comme un fleuron d’une ère industrielle révolue.
Ancré dans le présent
La force de ce musée tient probablement dans sa volonté de se tourner vers les productions contemporaines, en mettant en valeur de jeunes créateurs, notamment par le biais d’expositions temporaires. Pour débuter cette ère muséale, le centre de la Céramique de la Fédération Wallonie-Bruxelles propose une exposition consacrée au feu. « Bien que sa représentation soit simple, la maîtrise du feu cache une redoutable complexité qui révèle tout un pan de l’histoire des arts et métiers, des sciences et des techniques. (…) Depuis la nuit des temps, notre imaginaire collectif regorge de contes et de légendes liés au feu. » Entre extraits de vidéos, de livres et réalisations en argile, cette première exposition bouscule les idées reçues et tranche avec la présentation consensuelle de l’héritage Royal Boch. Le mythe de Prométhée fédère encore les énergies et les talents artistiques.
Angélique TASIAUX
Infos: Keramis, place des Fours Bouteilles (GPS : Boulevard des Droits de l’Homme), 1 à 7100 La Louvière – tél. 064. 23 60 70 – www.keramis.be – ouvert du mercredi au dimanche