Après une visite en Equateur et en Bolivie, le pape François est arrivé vendredi en milieu d'après-midi à Asuncion, la capitale du Paraguay.
Dès son arrivée à Asuncion, le pape François s'est vu accueillir par le président, Horacio Manuel Cartès Jura sous les hymnes du Vatican et du Paraguay chantés par un chœur d'enfants. Après une chorégraphie sur l'histoire du pays et la vision d'un documentaire sur la visite de Saint Jean-Paul II en 1988, c'est en papamobile que le pape a pris la direction de la nonciature apostolique où il a résidé durant la troisième étape de son voyage. Il a ensuite retrouvé le président au palais présidentiel pour une visite de courtoisie. En chemin, il a désiré faire une halte imprévue devant une prison pour femmes. De l'intérieur de l'établissement pénitentiaire, une cinquantaine de détenues ont alors entonné un chant préparé tout spécialement à l'intention du Saint-Père.
Après un échange de cadeaux avec le président Cartès, le pape a rencontré les autorités politiques du pays ainsi que le corps diplomatique. Devant eux, le pape a évoqué l’histoire douloureuse du Paraguay marquée par "la terrible souffrance de la guerre, l’affrontement fratricide, le manque de libertés, et les violations des droits de l’homme." Le pape a notamment fait allusion aux guerres meurtrières qui ravagèrent le pays, dont celle de la Triple Alliance contre le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay (1865-1870) mais aussi la Guerre du Chaco, contre la Bolivie (1932-1935) et à la dictature du général Alfredo Stroessner (1954-1989).
Le Souverain Pontife a également tenu à rendre hommage aux "milliers de paysans paraguayens simples" qu’il considère comme les "véritables protagonistes" de l’histoire de ce peuple. Il n'a pas manqué de saluer "avec émotion et admiration", le rôle des femmes paraguayennes en ces moments tragiques de l’histoire du pays. "Sur leurs épaules de mères, épouses et veuves, elles ont porté la plus grande charge, et ont su faire avancer leurs familles et leur pays, en insufflant aux nouvelles générations l’espérance d’un lendemain meilleur", a-t-il confié.
L'effort d'une paix quotidienne
Comme il l'avait fait la veille en Bolivie, le pape a rappelé l'importance de la mémoire. "Un peuple qui oublie son passé, son histoire n’a pas de racines, pas d’avenir. La mémoire (…) transforme le passé en source d’inspiration pour construire un avenir de convivialité et d’harmonie, en nous rendant conscients de la tragédie et de l'absurdité de la guerre", a-t-il affirmé avant de lancer un appel à la paix: "plus jamais de guerres entre frères! Construisons toujours la paix!", a-t-il exhorté. La paix entre nations et peuples, mais également une "paix de tous les jours", par des gestes concrets, au quotidien.
Evoquant également le temps présent du Paraguay, l'un des pays les plus pauvres du continent, le pape a encouragé ses interlocuteurs à construire un "projet démocratique stable", déjà initié depuis quelques années. Le Saint-Père a également salué les efforts mis en place pour améliorer la croissance économique et favoriser l'accès à l'éducation et aux soins. Le pape François a plaidé pour que ces efforts s'inscrivent dans la durée, "jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’enfants sans accès à l’éducation, de familles sans foyers, d’ouvriers sans travail digne, de paysans sans terre à cultiver, et tant de personnes obligées à émigrer vers un avenir incertain; qu'il n'y ait plus de victimes de la violence, de la corruption et du trafic de stupéfiants." L'évêque de Rome a également rappelé le rôle indispensable des plus faibles et des plus défavorisés dans la construction d'un développement économique. Après cette entrevue, le Saint Père a rencontré la société civile, les religieux et les jeunes.
Bénies soient Marie et toutes les femmes du Paraguay
Samedi matin, le pape François s'est rendu à l'hôpital pédiatrique d'Asuncion, "Niños de Acosta Ñú", qui dispose notamment d’un service de réanimation et d’une unité d’oncologie. Visiblement très content de cette rencontre loin des caméras, le pape a préféré improviser quelques mots réconfortants et encourageants plutôt que lire le discours préparé pour cette occasion. Le texte rédigé a toutefois été remis aux participants de la rencontre. Le Souverain argentin y rappelle une célèbre et rare colère de Jésus, lorsque ses disciples voulurent empêcher des enfants de s’approcher de lui. Jésus fut indigné et leur dit: "Laissez venir à moi les petits enfants; car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent." Dans son discours initial, le pape invitait les adultes à imiter la confiance, la joie, la tendresse des enfants, leur capacité de lutte, leur courage et leur incomparable capacité de résistance.
Le Saint-Père a également célébré une messe sur le parvis du sanctuaire marial de Caacupé, à 50 kilomètres de la capitale. Ce sanctuaire est considéré comme le centre spirituel du Paraguay. Devant des dizaines de milliers de fidèles, le Saint-Père a dédié la célébration à la Vierge Marie, dont l'exemple doit inciter à l'inspiration.
"Marie est la Mère du 'oui'", a évoqué le pape dans son homélie. "Oui au rêve de Dieu, oui au projet de Dieu, oui à la volonté de Dieu. Un 'oui' qui, comme nous le savons, ne fut en rien facile à vivre", a-t-il ajouté, faisant référence aux épisodes difficiles que Marie a dû traverser, comme la naissance de Jésus dans une étable, la fuite forcée en Egypte et la mort de Jésus sur la croix. Pourtant, même dans ces moments éprouvants, elle a su garder la foi et l’espérance. Répétant son hommage de vendredi soir à Asunción, le pape François a rendu un hommage appuyé au rôle joué par les femmes et les mères paraguayennes dans l'histoire du pays. "Quand tout semblait s’écrouler, vous avez continué à croire. Avec grand courage et abnégation, vous avez su relever un pays détruit, effondré, submergé par la guerre. Vous avez la mémoire, le patrimoine génétique de celles qui ont reconstruit la vie, la foi, la dignité de votre peuple. Comme Marie, vous avez vécu des situations très difficiles qui, selon une logique commune, seraient contraires à toute foi." Cette confiance en Dieu a permis de "ne pas laisser cette terre dans le chaos", a-t-il insisté. Et d'ajouter: "Que Dieu bénisse cette ténacité, que Dieu bénisse et conforte votre foi, que Dieu bénisse la femme paraguayenne, la plus glorieuse d’Amérique." A la fin de la messe, le pape François a renouvelé le vœu de confier le Paraguay sous la bénédiction de l’Immaculée Conception, comme l’avait fait Saint Jean-Paul II en 1988.
A cœur ouvert et solidaire
Dimanche, dernière journée de son voyage apostolique en Amérique latine, le pape s'est arrêté au Bañado Norte d’Asunción, un bidonville très pauvre et marécageux, situé près de la grande décharge d’Asunción. Le pape François est venu y rencontrer la population mais surtout l’écouter. Sa présence a offert une tribune à l’indignation, aux frustrations, et aux exigences des habitants. Dans son discours, le pape François a lancé un appel à la solidarité, "un devoir pour les chrétiens car une foi sans solidarité est une foi faible, malade ou morte"; elle n’est pas la foi de Jésus-Christ. Le pape a également prié pour qu’il y ait des bergers, des prêtres et évêques, capables d’accompagner, de soutenir et de stimuler la vie de ces familles.
Pour la cinquième et dernière messe de son voyage en Amérique latine, le pape a célébré l’office dominical à Ñu Guazú, à une dizaine de kilomètres d’Asunción, dans un vaste champ situé à l’intérieur d’une base militaire. Un million et demi de fidèles étaient attendus.
Dans son homélie, le Saint-Père a insisté sur l’hospitalité. C’est ce que Jésus, "en bon maître, pédagogue", apprend à ses disciples quand il leur dit "restez là où on vous accueillera". Pour le pape, "le chrétien est celui qui a appris à recevoir, à accueillir".
"Le chemin du chrétien est de transformer le cœur", a poursuivi François. "C’est passer de la logique de l’égoïsme, de la fermeture, de l’affrontement, de la division, de la supériorité, à la logique de la vie, de la gratuité, de l’amour. De la logique de la domination, de l’oppression, de la manipulation, à la logique de l’accueil, du recevoir, de la sollicitude", a-t-il énuméré. Faire de "nos paroisses, nos communautés, nos chapelles" de vrais "centres de rencontres entre nous et Dieu, avec les portes ouvertes" est l’enjeu qui attend toute l’Eglise, a-t-il exhorté. "Une chose est certaine", a-t-il conclu, "nous ne pouvons obliger personne à nous recevoir, à nous héberger; cela fait partie de notre pauvreté et de notre liberté."
Avant de repartir vers l'Europe, le pape a encore rencontré 70.000 jeunes Paraguayens. Avoir un cœur libre, être solidaire et lutter pour l'espérance sont les trois enseignements que François a voulu laisser aux jeunes.
Dimanche soir, le Saint-Père s'est ensuite envolé vers Rome où il est attendu lundi en début d'après-midi.
D'après Radio Vatican