Au Bozar, il est de tradition d’alterner les expositions magistrales avec de plus petites qui mettent à l’honneur une thématique particulière ou un artiste défini, telle une rétrospective consacrée à Antoine Watteau l’an dernier. Cette fois, deux volets composent une exposition au double titre explicite: « Faces then », « Faces now ».
Les portraits d’autrefois (« Faces then ») occupent la première partie des salles, avec une cinquantaine de tableaux répertoriés. La gamme temporelle est brève, puisqu’il s’agit de compositions picturales qui remontent au XVIe siècle, à l’époque de la Renaissance aux Pays-Bas, lorsqu’Anvers, Bruges, Amsterdam ou Utrecht excellaient dans l’art du portrait. Les modèles y posaient alors avec splendeur et solennité, conscients de laisser une trace d’eux-mêmes pour les générations futures. Se faire « portraiturer » témoignait d’une volonté d’entrer dans l’éternité, fut-elle de pigments et de toile. Les spectateurs observent avec émotion ou nostalgie ces visages graves et les attributs empesés qui les contemplent par-delà un demi-millénaire d’existence. Car ces gens ont vraiment existé. Ce ne sont ni des modèles rêvés, ni des figures légendaires, mais tour à tour des érudits, notables, bourgeois fortunés ou artisans reconnus.
Démocratisation de l’art de la représentation
Malgré une rupture chronologique, la compréhension de ces différents tableaux s’avère, somme toute, relativement aisée. Grâce à la présence de signes pertinents, comme des ornements ou le décor d’une pièce restituée, le statut social du modèle s’impose au spectateur. Les mains et leur position sont également déclinées de multiples façons, avec des bagues ornées de pierres colorées, croisées ou posées à plat, elles occupent une place importante et en disent long sur les acteurs de ces tableaux, tour à tour maîtres ou riches oisifs. Progressivement, les peintres ont tenté de refléter l’intimité des modèles, qui n’incarnent plus seulement un statut ou un rang social, mais sont aussi le théâtre et le vecteur d’émotions plus personnelles. Ainsi le « Portrait d’une dame âgée avec son chien » affiche d’emblée les proportions imposantes d’une matrone au tempérament décidé. Celle-ci fixe résolument son vis-à-vis, sans avoir été embellie par le peintre. La personnalité est maîtresse du tableau, à l’image des formes massives.
Et maintenant, la photo
Comme son titre le laisse à penser, « Faces now » présente des portraits d’aujourd’hui, avec une galerie internationale de photographies. 32 artistes européens ont ainsi prêté leurs pellicules pour retracer 25 ans de portraits. L’après 1989 n’est pas anodin, marqué par la chute emblématique du Mur de Berlin. Dans cette rétrospective, des clichés de gens ordinaires ou publics se mélangent, des confins de l’Ukraine, en passant par la Belgique, l’Autriche, etc. « La rue est devenue un studio », et c’est bien là que réside la difficulté d’interpréter certains clichés… Avec l’apparition des techniques digitales, chacun se sent un peu photographe et capable, lui aussi, d’immortaliser son voisin, un passant ou le commun des mortels. L’explication de la démarche artistique déployée dans ces clichés s’avère d’autant plus utile pour les appréhender. Certains photographes ont, en effet, entrepris une démarche artistique, voire politique, marquée par la répétition propre aux séries. En noir et blanc ou en couleurs, petites ou immenses, avec des poses formelles ou officielles, dans des lieux clos, privés ou des espaces publics, de face ou de pied… les cas de figure et les visages sont multiples à l’image de la diversité qui nous habite.
Angélique TASIAUX
Cette double exposition est accessible jusqu’au 17 mai 2015 au Palais des Beaux-Arts, rue Ravenstein 23 à 1000 Bruxelles.