Le titre de cette nouvelle exposition est sans équivoque: « Argenterie ». Cinq siècles d’argenterie précieuse sont ainsi déclinés au musée M de Leuven.
Il y a d’abord le musée, magistralement aménagé dans d’anciennes demeures louvanistes. Installé en plein cœur de la ville, le musée a connu une impressionnante rénovation il y a une dizaine d’années. En façade, un porche flamboyant attire le regard. Il s’agit de l’ancienne entrée de la Faculté de sciences. Ce mélange audacieux de styles architecturaux a été intégré avec brio par l’architecte gantois Stéphane Beel, actuellement en chage de la restauration et de l’extension du Musée royal de l’Afrique centrale à Tervueren. A l’intérieur, la sélection a dû être draconienne, pour mettre en exergue les œuvres les plus remarquables de la collection brabançonne. L’art du Moyen Age et du XIXe occupe ainsi le devant de la scène de façon permanente, tandis que des expositions temporaires font la part belle à des installations contemporaines.
L’argenterie louvaniste sous la loupe
Point besoin d’être un expert en argenterie pour apprécier cette exposition, qui retrace l’histoire de l’argenterie en terres brabançonnes. Car l’ancrage local est grand, dans ce musée de la ville universitaire. Une fierté légitime transparaît dans ce déploiement de splendeurs anciennes. Les confréries, certains ordres religieux et des bourgeois y sont mis à l’honneur à travers la présentation de 250 pièces. Dans chacune des salles, un thème est mis en avant, comme les particularités du poinçon, gage de qualité, ou encore des réalisations à caractère spécifiquement religieux.
Découverte d’un moine-orfèvre
A côté des pièces traditionnelles qui embellissent les tables, se trouvent les traditionnels ostensoirs et reliquaires précieux, mais aussi des calices, ciboires et burettes diverses. L’ensemble de ce patrimoine est d’une grande beauté et il est rare d’admirer tant de pièces religieuses. Mais le plus étonnant, c’est la révélation d’œuvres religieuses Art déco, nées dans une abbaye bénédictine de Louvain, l’abbaye du Mont César. Sa fondation remonte à la fin du XIXe, lorsque des moines de Maredsous décidèrent de sa construction. Dans ce lieu, un artiste dessine et fait réaliser des objets Art déco, rehaussés de pierres semi-précieuses, de laque, d’ivoire, de verre, d’argent, quelquefois doré… Le nom de Dom Martin s’impose comme un label de qualité et des commandes surgissent des Pays-Bas, de France, mais aussi des Etats-Unis et du Brésil. La notoriété du moine est internationale. En Belgique, la reine Elisabeth est également sensible au talent de l’artiste. Elle lui commande d’ailleurs plusieurs pièces, parmi lesquelles un ensemble offert à l’abbaye du Mont César qui est présenté dans l’exposition. Pour exécuter ses pièces, Dom Martin avait pour habitude de faire appel à la maison d’orfèvrerie bruxelloise Wolfers, et plus particulièrement à Marcel Wolfers, spécialisé dans le travail de la laque. Les commissaires de l’exposition ont mené un remarquable travail d’investigation, afin de retrouver certaines commandes dont la trace avait été perdue dans les méandres de l’histoire.
L’art de la table
Les bourgeois de Louvain furent friands d’argenterie, du XVIIe au XIXe siècle. La production locale comble les nantis, qui décorent leurs tables avec magnificence. Un siècle plus tôt, l’argenterie domestique se distinguait avec les coupes à moulin à vent, dont un exemplaire unique, prêté par le Rijksmuseum d’Amsterdam, est visible pour l’occasion. Un tel modèle du XVIe siècle illustre à merveille les « jeux à boire », ces coupes de verre ornées d’un moulin d’argent. Le principe est simple, le buveur souffle dans un petit tuyau qui alimente le déplacement des ailes et, tant que celles-ci bougent, il est prié de terminer son verre dans le temps imparti. Autre objet insolite, avec la coupe de Primus, une coupe d’apparat décernée au meilleur étudiant de l’année académique, lors de joutes qui opposaient les collèges de Louvain aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les lauréats étaient alors gratifiés de cadeaux en argent.
Ces objets de la vie domestique et de l’existence publique font voyager le visiteur à travers le temps, à l’époque où le Brabant était un centre conséquent de la production d’orfèvrerie. Un joli retour dans l’histoire belge.
Angélique TASIAUX
L’exposition est accessible jusqu’au 12 juillet 2015. Infos: www.mleuven.be