Ce mercredi, les dirigeants russe, allemand, français et ukrainien se retrouvent à Minsk, en Biélorussie, pour tenter de mettre fin au conflit dans l’est de l’Ukraine. La réunion de la dernière chance ?
Comment sortir de l’impasse du conflit qui ravage l’Ukraine? En dix mois, il a fait plus de 5.500 morts, essentiellement des civils. Avec comme dommage collatéral, l’installation d’une immense pauvreté pour les populations vivant dans les zones de combats; populations qui sont privées d’eau, de nourriture et d’électricité. La Chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande parviendront-ils à mettre d’accord les présidents russe Vladimir Poutine et ukrainien Petro Porochenko? Pas sûr.
Faible marge de manœuvre
Jusqu’ici toutes les tentatives diplomatiques pour une résolution pacifique de cette guerre civile, entre rebelles pro-russes et armée régulière, ont en effet échoué. Les pressions exercées sur Moscou pour l’empêcher d’aider les rebelles; pressions essentiellement économiques et financières, n’ont pas eu les effets escomptés. Au contraire, on se croirait revenu au pire temps de la guerre froide.
D’aucuns qualifient ce sommet de Minsk de rencontre de «la dernière chance». Car sur place, la situation empire. Hier mardi, les combats ont redoublé de vigueur. Des bombardements meurtriers ont visé la ville de Kramatorsk, sous contrôle de l’armée ukrainienne, située à 70 km au nord du fief rebelle de Donetsk. L’attaque a visé notamment pour la première fois depuis le début de la guerre, le principal état-major de l’armée ukrainienne dans l’est de l’Ukraine, ainsi qu’un quartier résidentiel. Au moins six civils ont été tués et 36 personnes blessées dans cette attaque, selon Kiev.
Rappelons que le conflit ukrainien a débuté lors des manifestations de la place Maïdan (Place de l’Indépendance) à Kiev, en novembre 2013, à la suite de la décision du Gouvernement ukrainien de ne pas signer un accord d’association avec l’Union européenne. Ces manifestations ont été marquées par de fortes violences qui n’ont fait qu’accroître les mouvements de protestation, lesquels ont débouché, en février 2014, il y a un an donc, sur la fuite puis la destitution du président pro-russe Viktor Ianoukovytch. Après une période de transition, des élections présidentielles ont eu lieu en mai dernier, portant à la tête de l’Etat, Petro Porochenko.
Cette guerre fratricide est aussi l’illustration d’un bras de fer entre l’Occident et la Russie de Vladimir Poutine. Après l’annexion de la Crimée, à la suite d’un «référendum» organisé en mars 2014; référendum non reconnu par la communauté internationale, d’autres régions russophones d’Ukraine ont tenté d’être rattachées à la Russie. Mais le pouvoir russe n’a pas voulu franchir ce pas qui aurait eu des effets particulièrement négatifs sur les relations entre l’Est et l’Ouest et qui aurait même pu déclencher un conflit régional.
Quelle marge de manœuvre les négociateurs de Minsk ont-ils? Elle est très faible. Une des pistes est de promettre à Moscou, en échange de l’arrêt de son soutien aux rebelles, que l’Ukraine n’entrera pas dans l’Union européenne et ne rejoindra pas l’OTAN. Néanmoins, Poutine a toujours nié avoir des troupes dans l’est ukrainien, préférant prétendre que son action se limitait à une aide humanitaire. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut mettre fin à cette spirale de violence qui pourrait s’amplifier si les Etats-Unis concrétisaient leur menace de livrer des armes aux troupes régulières.
Le Saint-Siège inquiet de l’escalade du conflit
Mardi toujours, alors donc que la diplomatie européenne est à pied d’œuvre pour tenter de trouver une sortie de crise en Ukraine, le Saint-Siège a rappelé toute l’attention qu’il porte à une situation préoccupante, et tient, via un communiqué publié par son bureau de presse à clarifier certains propos du pape sur le sujet.
«En présence d’une escalade du conflit qui fauche de nombreuses vies innocentes, le Saint Père a renouvelé, en diverses occasions, un appel en faveur de la paix. Par le biais de ces interventions, le pape, qui invitait par ailleurs les fidèles à prier pour les morts et les blessés de ces violences, soulignait l’urgence de reprendre les négociations, l’unique chemin possible pour sortir de cette logique grandissante d’accusations et de réactions ».
Face à certaines interprétations qui ont été faites des propos du pape François, notamment ceux tenus le mercredi 4 février dernier, le père Federico Lombardi a tenu à préciser que «le Souverain Pontife a toujours voulu s’adresser à toutes les parties concernées, confiant dans l’effort sincère de chacune d’elle à appliquer les accords obtenus par consentement mutuel, et rappelant le principe de la loi internationale, auquel le Saint-Siège a fait référence à plusieurs reprises depuis le début de la crise. Comme aimait à le répéter St Jean-Paul II, l’humanité doit trouver le courage de substituer au droit de la force, la force du droit».
Le communiqué fait en outre remarquer que le Saint-Père attend «avec joie» la visite Ad Limina de l’épiscopat ukrainien, qui aura lieu du 16 au 21 février. L’occasion pour François d’être directement informé de la situation actuelle qui prévaut dans le pays, «pour conforter cette Eglise et ceux qui souffrent et évaluer ensemble des chemins de paix et de réconciliation».
Du côté des Eglises orthodoxes, on préfère se montrer discret, tant le conflit déchire jusqu’à cette dernière, selon que les fidèles dépendent du patriarcat de Moscou ou de celui de Kiev. Le pape avait d’ailleurs regretté que ce conflit ukrainien opposait des «baptisés dans le Christ».
Jean-Jacques Durré