A travers plusieurs ouvrages à paraître, des cardinaux de haut rang, dont des collaborateurs directs du pape François, argumentent contre la proposition du cardinal Kasper d’un accès aux sacrements pour les divorcés-remariés après un chemin de pénitence.
A deux semaines de l’assemblée générale extraordinaire du Synode des évêques consacré à la famille, plusieurs cardinaux de premier rang ont pris la plume pour réaffirmer l’intangibilité de la doctrine catholique sur l’indissolubilité du mariage. De facto, ils prennent donc le contre-pied des propositions récemment avancées par le cardinal Walter Kasper pour ouvrir aux divorcés remariés une possibilité d’accès aux sacrements.
S’agit-il d’un réel affrontement doctrinal entre cardinaux, très inhabituel dans l’Eglise catholique romaine, ou de permettre aux participants au synode de se positionner dans un camp ou dans l’autre. Pour l’éditorialiste Guillaume Goubert de La Croix, si l’initiative a de quoi surprendre, il ne faut pas pour autant s’inquiéter. "Il faut plutôt se réjouir de la clarté des positions ainsi exprimées avant que le débat ne s’engage. La question posée est aussi importante sur le plan doctrinal que sur le plan pastoral. Il faut que le temps fasse son œuvre dans les esprits. C’est d’ailleurs pourquoi aucune décision ne devrait être arrêtée avant une autre assemblée du Synode, à l’automne 2015", écrit-il.
Des pistes de réflexion, non des solutions
Rappelons que le cardinal Walter Kasper, président émérite du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, a proposé en février dernier, dans un discours - qui aurait dû rester secret - ouvrant le consistoire sur la famille, des pistes - et non des solutions - concernant la problématique de l’accès aux sacrements pour les divorcés remariés. Ce théologien allemand estimait qu’il fallait "ajuster l’Evangile aux signes des temps". Dans une interview à La Croix, publiée ce 18 septembre, il estime que ces pistes ne remettent pas en cause la doctrine de l’Eglise et plaide pour un débat ouvert, sans agressivité, rappelant entre autres que le document de travail, Instrumentum laboris, rédigé à partir du questionnaire envoyé à travers le monde, "a le mérite d’être sincère et honnête, d’entendre les critiques et de reconnaître que beaucoup de catholiques ne sont pas en conformité totale avec l’enseignement de l’Eglise". A l’époque de la publication du texte de Mgr Kasper par un quotidien italien, un échange assez vif avait eu lieu entre cardinaux. En retour, le pape avait appelé à l’unité et rendu hommage au texte de Walter Kasper, qu’il avait déjà qualifié de "théologien de valeur".
Dès avant le synode donc, le débat a déjà commencé par librairies interposées. Les ouvrages à paraître sont ceux de cardinaux influents comme Mgr Marc Ouellet, archevêque de Québec et primat du Canada, l’Australien Mgr George Pell, nouveau Secrétaire pour l’économie, Mgr Gerhard Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, et Mgr Angelo Scola, archevêque de Milan. Tous leurs textes ont en commun d’affirmer une position hostile à une ouverture de l’accès aux sacrements aux divorcés civilement remariés.
Selon Sébastien Maillard, correspondant de La Croix à Rome, les prises de position publiques du cardinal Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, sont particulièrement notables. "Celui qui, par cette fonction, est l’un des principaux collaborateurs directs du pape et le garant de la correcte interprétation du Magistère de l’Eglise, a d’abord publié un livre d’entretien sur le sujet en juillet dernier ‘L’espérance de la famille’. Il est aujourd’hui l’un des contributeurs d’un ouvrage intitulé ‘Demeurer dans la vérité du Christ’, à paraître le 25 septembre en France", écrit-il. Ce livre rassemble en outre des textes de quatre autres cardinaux: Mgr Walter Brandmüller, président émérite du Comité pontifical pour les sciences historiques et très proche de Benoît XVI, Mgr Raymond Burke, préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique, Mgr Carlo Caffarra, archevêque de Bologne, qui fut proche de Jean-Paul II, et Mgr Velasio De Paolis, président émérite de la Préfecture des affaires économiques du Saint-Siège. Des experts, y compris deux jésuites, complètent ce livre érudit de 312 pages argumentant contre la piste avancée par le cardinal Kasper.
Si les observateurs et les vaticanistes ne craignent pas un réel affrontement et trouvent sain qu’un débat ait lieu, ils estiment qu’il ne faudrait pas que le désaccord entre cardinaux focalise toute l’attention au point d’éclipser bien d’autres sujets qui appellent la réflexion de l’Eglise sur le terrain de la pastorale familiale. "Personne ne peut nier la douleur qui est attachée à la situation des divorcés remariés, et la qualité du message que le Synode leur adressera sera certainement un signe important - peut-être même prophétique - de la volonté de l’Eglise d’être auprès de ceux qui sont dans l’épreuve. Cependant, l’urgence est grande de porter aussi notre regard, par exemple, vers les familles monoparentales, la transmission des valeurs et de la foi ou encore les situations de pauvreté qui entravent l’épanouissement des familles", peut-on encore lire dans La Croix.
J.J.D (avec La Croix)