La « parabole » est un genre littéraire de la tradition juive qui ressemble à ce que nous appelons une « fable »: son but est pédagogique; il s’agit d’amener l’auditeur à changer de point de vue.
Pourquoi donc Jésus parle-t-il en paraboles? Les disciples ne manquent pas de lui poser la question. Jésus commence sa réponse en distinguant deux catégories dans son auditoire: « A vous, il est donné de connaître les mystères du Royaume des cieux, mais à eux, ce n’est pas donné. Celui qui a, recevra encore et il sera dans l’abondance; mais celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a. Si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder, qu’ils écoutent sans écouter et sans comprendre. » Pour éclairer cette distinction, il faut remettre l’enseignement de Jésus dans son contexte: dans l’évangile de Matthieu, comme dans celui de Marc, cet enseignement en paraboles suit immédiatement le récit des polémiques avec les Pharisiens et avec ceux qui les suivent. Ce sont eux dont il dit, en citant le prophète Isaïe: « Le cœur de ce peuple s’est alourdi: ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouché les yeux, pour que leurs yeux ne voient pas, que leurs oreilles n’entendent pas, que leur coeur ne comprenne pas, et qu’ils ne se convertissent pas. Sinon, je les aurais guéris! »
Ici, le mot « pour » ne veut pas dire un but mais seulement une conséquence; « ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouché les yeux, et du coup, leurs yeux ne voient pas, et leurs oreilles n’entendent pas ». De nombreuses fois, Jésus a pu faire ce constat: plus les auditeurs s’enferment dans leurs propres certitudes, plus ils deviennent imperméables à la Parole de Dieu.
« A celui qui a, il sera donné, et il sera dans la surabondance; mais à celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera retiré » (13, 12): c’est dire l’importance des dispositions de cœur pour comprendre les paraboles. Voilà une formulation particulièrement abrupte du thème des deux voies, classique dans l’Ancien Testament. Le choix est clair: ou bien écouter, entendre, ouvrir ses oreilles pour laisser la Parole nous instruire et nous transformer peu à peu; ou refuser d’entendre au risque de devenir de plus en plus durs d’oreille: « Le cœur de ce peuple s’est épaissi, ils sont devenus durs d’oreille. » (Mt 13, citant Isaïe 6, 9-10).
La parabole du semeur, ainsi que l’explication que Jésus en donne, apparaît alors plus clairement comme une illustration des obstacles que rencontre la prédication évangélique. Jésus annonce qu’il y aura une récolte, (de cent, soixante ou trente pour un), et c’est certain, mais à quel prix! Le règne de Dieu, il faut bien l’admettre, ne s’établira qu’au travers de nombreux échecs; car entrer dans l’intelligence du Royaume ne peut être que l’effet d’un don de Dieu. Cela suppose un coeur disponible, capable de recevoir de Dieu la lumière qui vient de Lui seul: cette disponibilité, elle aussi, doit être reçue comme un cadeau. Les Pharisiens et la foule n’y étaient pas encore prêts.
Marie-Noëlle THABUT
(Extrait de l’Intelligence des Ecritures – Editions Artège)