La Faculté de théologie de l’UCL a toujours eu un intérêt marqué pour les questions sociales. Elle l’a encore démontré récemment en organisant, conjointement avec l’ONG catholique Entraide et Fraternité, un colloque international sur les enjeux contemporains en matière d’engagement pour la justice. Celui-ci a eu lieu à Louvain-la-Neuve, les 13, 14 et 15 mars derniers.
Pendant trois jours, l’ONG catholique Entraide et Fraternité et l’Institut de recherche « Religions, Spiritualités, Cultures, Sociétés » de l’UCL ont réuni à Louvain-la-Neuve des théologiens et des acteurs de terrain venant d’horizons divers autour du thème « Pour que la Terre tourne plus juste – L’engagement des chrétiens ». Une rencontre inédite qui a permis aux uns et aux autres d’apporter leur éclairage spécifique.
Jeudi 13 mars
C’est à un Belge de renommée internationale que les organisateurs ont demandé d’introduire ce colloque, le jeudi 13 mars en soirée. Rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter est effectivement connu pour son combat contre la faim et son expertise en la matière. Pendant une petite heure, il a présenté aux participants les enjeux des mouvements paysans face aux inégalités des ressources. Un exposé qui n’a laissé personne indifférent, tout comme celui d’Elena Lasida, qui lui a emboîté le pas.
Maître de conférence à la Faculté de sciences sociales et économiques de l’Institut catholique de Paris, elle a surtout parlé des rapports entre l’identité chrétienne et l’action en faveur d’une justice sociale internationale. Dans son exposé, elle a expliqué qu’on ne peut plus séparer le monde entre le Nord, qui serait forcément riche, et le Sud, qui serait pauvre. Pour elle, il faut repenser la solidarité en termes de réciprocité plutôt que d’aide. Pour ce qui est du rapport entre théologie et sciences sociales, elle estime qu’il faut développer une approche anthropologique plutôt que moraliste christianisme et engagement social.
Vendredi 14 mars
La journée du 14 mars a été introduite par l’exégète belge Jacques Vermeylen. Celui-ci a proposé une lecture de la Bible démontrant que la notion de justice n’a cessé d’évoluer au cours des siècles. En effet, si le Nouveau Testament prône l’égale dignité de tous et met le plus petit au centre, il n’en a pas toujours été ainsi auparavant. Le prêtre a ensuite cédé sa place à une collègue venue tout droit du Brésil: Tereza Cavalcanti. Celle-ci a raconté ce qu’elle a vécu, en tant que théologienne, dans l’un des nombreux bidonvilles de Rio de Janeiro. Elle a notamment expliqué comment une communauté de base s’est formée autour de la maison d’une famille assassinée en 1988 et la façon dont celle-ci s’est appropriée un passage de l’Apocalypse.
Membre de la commission théologique d’Entraide et Fraternité, Myriam Tonus a ensuite évoqué le cas de la Belgique. En effet, « si l’on entend par justice le fait d’offrir à chaque citoyen les conditions d’accès à une vie digne et bonne« , a-t-elle expliqué, « alors l’interpellation biblique garde toute sa force, tant les situations d’injustice demeurent évidentes, voire tendent à s’aggraver dans notre pays« . Pour elle, ce sont surtout les écarts qui sont insupportables. Il est donc urgent que les chrétiens s’engagent pour la justice, car le risque est grand, estime-t-elle, de s’accommoder de la pauvreté et des inégalités.
La matinée s’est terminée avec l’intervention de Mgr François-Xavier Maroy-Rusengo, archevêque de Bukavu. Connu pour son engagement en faveur des plus vulnérables dans cette région de l’est de la RDC, celui-ci a rappelé qu’il n’y a pas d’Etat de droit sans la justice et que cela constitue un enjeu majeur dans son pays. « L’Eglise« , a-t-il assuré, « est à pied d’œuvre pour former, informer et entraîner le peuple à marcher sur la bonne voie, malgré les obstacles de la guerre et ses corollaires qui ont toujours repoussé l’horizon de son idéal. »
L’après-midi, après des travaux en ateliers, les participants se sont retrouvés pour la conférence de Michel Molitor, professeur émérite de l’UCL et président d’Entraide et Fraternité. Retraçant dans les grandes lignes l’histoire de l’ONG, née au cœur du monde catholique, il a expliqué comment sa relation à l’Eglise a évolué et comment, à sa manière, elle a tenté de vivre et d’assumer divers visages du christianisme.
Samedi 15 mars
Le samedi 15 mars, Mgr Eugène Rixen, évêque de Goias (Brésil), a commencé par évoquer son engagement pastoral auprès des paysans sans terre, ceux qui sont spoliés de leurs terres. Après l’exposé du professeur d’éthique Walter Lesch, la philosophe et sociologue Albertine Tshibilondi a parlé de l’égalité homme-femme dans l’éthique sociale chrétienne. Une thématique qui nous invite, a-t-elle expliqué, à interroger non seulement nos sociétés, mais aussi nos Eglises dans leurs structures marquées par le patriarcat. Celui-ci crée, en effet, une politique relationnelle de subordination entre les deux sexes et enferme les femmes dans des rôles normatifs de servitude.
La matinée s’est achevée avec les interventions de Mgr Alvaro Ramazzini et de Naiyana Vichitporn, qui ont tous deux évoqué leurs expériences sur le terrain: le premier au Guatemala, la seconde en Thaïlande.
L’après-midi, les participants se sont retrouvés, après de nouveaux travaux en ateliers, pour la clôture du colloque, confiée à Mgr Delville, évêque de Liège.
Pascal ANDRE