La notion de « détresse » a été retirée de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse. Les députés français ont voté sa suppression après deux heures de débat passionné, faisant ainsi de l’IVG un droit à part entière, au risque de banaliser l’acte.
C’est dans le cadre d’un projet de loi plus générale sur l’égalité femmes-hommes, examiné depuis le début de la semaine par les députés français, que le « toilettage » du texte sur l’interruption volontaire de grossesse s’inscrivait. L’amendement controversé visant à supprimer la notion de « détresse » inscrite dans le texte de loi de 1975 devait être discuté le 24 janvier, soit le jour où le président François Hollande rencontrera le pape François… Mais le vote a finalement eu lieu dans la nuit du 21 au 22 janvier après un débat passionné et parfois grave de plus de deux heures.
La gauche a fait bloc pour supprimer la formulation, « devenue obsolète » selon elle, de la loi Veil et dénoncer tout « retour en arrière » sur l’IVG (à l’image de l’Espagne). Nombre de ses représentants ont cependant rappelé qu’une IVG n’était « jamais un acte banal » mais une « décision douloureuse » et qu’une femme n’y recourait pas « pour le plaisir » ou comme « moyen de contraception ».
A droite, la majorité des parlementaires présents cette nuit étaient contre cet amendement qui selon eux banalise l’avortement et remet ainsi en cause « l’équilibre » de la loi Veil. Une quinzaine d’entre eux ont même voté en faveur du déremboursement de l’IVG mais cet amendement a été très majoritairement rejeté. Dans les rangs de l’opposition, divisée sur le sujet, on a réaffirmé que jamais la notion de « détresse » n’avait empêché une femme d’avoir accès à l’IVG. Ce qui est vrai.
« un droit à part entière »
Mais d’autres élus de droite, comme Nicole Ameline (ancienne ministre UMP de l’égalité professionnelle et de la Parité), ont voté pour. Rejoignant ainsi l’avis de la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem qui a bien souligné que désormais « l’IVG est un droit à part entière et pas une simple tolérance assortie de conditions ». Ce qui est faux! L’IVG demeure assortie de conditions: celle de délais (12 semaines) même en cas d’interruption médicale. Supprimer la notion de « détresse », c’est donc bien faire de l’avortement « un acte médical comme les autres », ce que personne n’ose pourtant défendre. Une dérive contre laquelle le Conseil constitutionnel avait mis en garde en 2001 rappelant que la référence à une situation de détresse, permettait d’exclure toute fraude à la loi, sous-entendant le risque d’eugénisme, et notamment la possibilité de recourir à l’avortement en fonction du sexe de l’enfant à naître.
Un dernier garde-fou vient donc d’être enlevé. C’est désormais sur le terrain de l’accompagnement social et psychologique des femmes ayant avorté que la France doit agir (et bon nombre d’organisations chrétiennes sont actives en la matière), mais aussi sur celui de la prévention. Mais pour l’instant, le gouvernement français semble plus soucieux de réprimer plus sévèrement l’entrave à l’information sur l’IVG, objet d’un autre amendement qui sera bientôt discuté.
Pierre GRANIER