Le dominicain Philippe Maillard est décédé le 29 août dernier, à l'âge de 93 ans. Cet ancien aumônier de prison vivait toujours au 28 rue de Wattignies à Lille-Moulins, une communauté de chrétiens issus du quart-monde qu’il avait fondée en 1978. Ses funérailles auront lieu ce mardi 3 septembre, à 10h, au couvent des dominicains de Lille.
"Ce qui m'importe, c'est l'extraordinaire densité que la résurrection donne aujourd'hui à notre vie", écrivait récemment le père Philippe Maillard, décédé à Lille, le 29 août dernier. La vie de ce dominicain fut effectivement d'une très grande densité, partagée "entre la prière silencieuse et la présence amoureuse au plus pauvre".
Né le 1er janvier 1920 à Lausanne, en Suisse, dans une famille aisée, et après avoir exercé durant quatre ans le métier d'avocat, il a décidé de tout abandonner pour entrer chez les dominicains, après avoir entendu prêcher le père Carré à la cathédrale Notre-Dame de Paris. La manière dont ce dernier parlait du Christ l'avait totalement bouleversé. Après son ordination, il est nommé aumônier de la faculté de droit de Paris, ce qui l'amène à lancer des camps d'été en haute montagne et à se lier, à partir de 1954 et de guerre d'Algérie, aux milieux clandestins luttant contre la torture.
Ce "fana" de Dostoievski, passionné par Mozart, est ensuite élu prieur des couvents dominicains de Strasbourg, puis de Toulouse, avant de devenir directeur du Centre international de la Sainte-Baume, un lieu de pèlerinage près de Toulon qui accueille de nombreux jeunes et artistes en recherche. Le P. Maillard fait venir des conférenciers, bâtit une chapelle avec le peintre et sculpteur Thomas Gleb, organise un festival de cinéma chrétien et des sessions de yoga.
Une rencontre décisive
Une rencontre va toutefois totalement le cours de sa vie: celle du père Joseph Wresinski, fondateur d'ATD Quart Monde. A 58 ans, il rejoint le quartier alors très pauvre de Lille-Moulins, comme permanent de l'association. En 1978, il fonde au 28 rue de Wattignies une petite communauté où il partage la vie des pauvres de sa paroisse. Au "28", SDF, voisins et amis sont accueillis autour d'un repas ou pour l'eucharistie du mercredi soir qui rassemble une soixantaine de personnes. Y sont également organisés des ateliers bibliques, des préparations à la confirmation, ainsi que des voyages à Lourdes, à Assise ou dans le Sinaï. "C'est un quartier très vivant, avec de la misère et de la solitude", expliquait Philippe Maillard. "Nous, on est au milieu. Chacun passe quand il veut."
Le prêtre et le rebelle
A partir de 1981, le père Maillard devient aumônier de la maison d'arrêt et du centre de détention de Loos-lès-Lille, où il fait la rencontre de Jacky Van Thuyne, arrêté après un affrontement sanglant à la frontière belge. Une profonde amitié grandit entre le prêtre et "Le Rebelle", pour reprendre le titre du livre qu'il lui consacra en 1988. Il y a raconte l'itinéraire cabossé de Jacky, sa conversion au christianisme et comment ils ont fondé ensemble une maison d'accueil pour anciens détenus (aujourd'hui fermée).
Le P. Maillard a publié trois autres livres – "Le Bonheur d’aimer" (1995), "Le secret d’un visage" (2007) et "L’Évangile aux voyous" (2008) – dans lesquels il ne cesse de réaffirmer qu’"il n’y a pas d’Église sans la joie d’être ensemble" et que "l’Église doit retrouver cette dimension de rencontre gratuite avec les plus pauvres". Ses funérailles auront lieu mardi 3 septembre à 10 heures, au couvent des dominicains de Lille.
P. A. (avec "La Croix)