Plus du quart de la population européenne pauvre d’ici 2025 ? C’est la sombre perspective qu’annonce le dernier rapport d’Oxfam. L’ONG met en cause les politiques d’austérité menées par les gouvernements.
Alors que l’Union Européenne a pour objectif de réduire d’au moins 20 millions le nombre de personnes touchées ou menacées par la pauvreté d’ici 2020, c’est bien l’inverse qui risque de se produire selon Oxfam. A la veille de la réunion des ministres européens des Finances à Vilnius, l’ONG sort un rapport très sombre dans lequel elle estime que les politiques d’austérité pourraient plonger de 15 à 25 millions d’Européens dans la pauvreté d’ici 2025. Faisant alors passer le nombre total de pauvre en Europe à 146 millions, soit plus du quart de la population européenne.
Oxfam souligne que les mesures d’austérité mises en place dans le but d’équilibrer les budgets, suite au sauvetage des banques à hauteur de 4.500 milliards d’euros, ont surtout pour effet d’aggraver la pauvreté et les inégalités, et l’Europe risque d’en porter les séquelles pendant encore deux décennies. « Les seules personnes à bénéficier de l’austérité sont les 10% les plus riches de la population européenne, qui ont vu leur fortune s’accroître », dénonce ce rapport. Et si la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Portugal, l’Espagne et le Royaume-Uni – qui mènent une politique d’austérité des plus draconiennes – ne changent pas de cap, ces pays se classeront bientôt parmi les pays les plus inégalitaires au monde.
En Belgique aussi, dans une moindre mesure
Cette tendance s’observe aussi en Belgique où l’écart entre les riches et les pauvres n’a jamais été aussi grand. Ainsi, entre 1990 et 2009, les 30% des Belges les plus pauvres ont vu leur part dans les revenus nets imposables diminuer de 11,2 à 8,3%, tandis que les 10% les plus riches ont vu leur part augmenter de 27,3 à 31,9%. Oxfam rappelle au passage que la Belgique est la championne d’Europe en matière d’impôt sur le travail bien davantage taxé que le capital.
D’autres chiffres traduisent cet appauvrissement, notamment le taux de chômage qui atteint un niveau record dans de nombreux pays européens, en particulier chez les femmes et les jeunes. En Belgique, le chômage des jeunes a atteint un sommet à 22,4%, soit une augmentation de 11,5% par rapport à mars 2012. Et pour ces chômeurs belges de moins de 25 ans, le risque est grand de sombrer plus rapidement dans la précarité en raison de récentes mesures.
« Le modèle belge de la sécurité sociale et de la protection sociale est sous pression. Les coupes dans les dépenses publiques menacent de creuser davantage le fossé entre les riches et les démunis et de faire plonger plus de gens dans la pauvreté », indique Xavier Declercq, directeur politique chez Oxfam. En Belgique, 21% des personnes présentent un risque en matière de pauvreté ou d’exclusion sociale, précise le rapport.
La fin de l’austérité ?
Après trois ans de ce régime, les grands tenants de l’austérité comme le Fonds monétaire international et nombre d’économistes commencent à reconnaître que non seulement ces mesures n’ont pas atteint l’objectif de réduire la dette publique et les déficits budgétaires, mais qu’elles ont en plus exacerbé les inégalités et entravé la croissance économique.
Oxfam propose dans son rapport une série de recommandations pour ne pas perdre 25 ans et promouvoir un modèle économique qui investit plus dans le capital humain que dans le capital tout court, notamment la garantie des soins de santé publics, universels et de grande qualité, le renforcement des systèmes de protection sociale, l’amélioration de la démocratie au travail, (meilleure représentation des employés et des opportunités, meilleur partage des responsabilités…), ou la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales.
Pierre GRANIER