Bien que le système de soins en Belgique soit l’un des meilleurs au monde, son accès reste inégalitaire dans les faits. Une étude la Mutualité Chrétienne indique ainsi que les personnes précarisées se rendent moins souvent chez le généraliste que la moyenne. Elles sont pourtant en moins bonne santé.
La dernière étude de la Mutualité Chrétienne (MC) vient encore une fois confirmer le fait que nous ne sommes pas tous égaux en matière de santé. Mais si ces inégalités de santé peuvent s’expliquer par différents facteurs (une offre de soins de santé moins importante dans certaines régions, un patrimoine génétique prédisposant à certaines maladies…), pour la MC, l’explication la plus convaincante reste que les inégalités de santé sont le reflet des inégalités socio-économiques dans une société.
L’équipe Recherche et Développement de la MC a souligné à plusieurs reprises que plus on descend le long de l’échelle sociale, plus les indicateurs de santé se dégradent, autant au niveau des indicateurs de mortalité que de ceux liés à la morbidité. Sa dernière étude s’est penché sur une catégorie de personnes en particulier: les bénéficiaires du revenu d’intégration sociale (RIS), anciennement appelés « minimexés ». Comment se soignent-ils ? Vont-ils plutôt chez un médecin généraliste ou aux urgences ? Reportent-ils leurs soins ? Utilisent-ils les mécanismes mis en place pour la prévention des problèmes de santé ? etc.
Moins chez le généraliste, plus aux urgences
Premier constat: les bénéficiaires du RIS sont moins souvent en contact avec un médecin généraliste: 63% de la population d’étude a vu un généraliste au cours de l’année contre 72 % de la population de contrôle. Différentes études attestent pourtant que les personnes en situation de précarité sont en moins bonne santé. A nouveau, les facteurs précités expliquent ce phénomène : la crainte du coût de la consultation et du traitement (médicaments, consultation chez un spécialiste…) ainsi que le manque d’informations. En revanche, lorsque ces personnes consultent un généraliste, elles se rendent chez lui plus fréquemment.
Il semblerait que les bénéficiaires du RIS préfèrent se rendre aux urgences auxquelles ils recourent plus souvent que les autres (respectivement 24% contre 15%). Cela leur paraît plus simple que de trouver un médecin de garde et on ne doit pas y régler immédiatement la facture… Or ces soins sont plus coûteux.
Une bonne nouvelle cependant: le succès des maisons médicales. Grâce à leur plus grande accessibilité (gratuité, proximité, actions d’informations), elles parviennent à toucher 12% des bénéficiaires du RIS.
Autre constat, en matière de santé bucco-dentaire, en 2010 et 2011, seuls 20% des bénéficiaires du RIS (et les membres de leurs familles) se sont rendus chez le dentiste pour un examen buccal préventif, contre 39% pour le reste de la population. Pourquoi cette moindre consommation des soins de santé par les personnes à faibles revenus? Le coût de la consultation et des soins éventuels (par exemple les frais d’un appareil d’orthodontie) joue certainement un rôle. Certaines mesures visent pourtant à limiter le coût des soins dentaires, (gratuité des soins dentaires pour tous jusqu’à 18 ans, remboursement total de certains soins buccaux pour les personnes qui bénéficient de l’intervention majorée) mais les personnes en situation de précarité disent souvent ne pas connaître ces mesures leur permettant de limiter les coûts. Et reportent leurs soins jusqu’à ce qu’une solution d’urgence s’impose.
« L’accessibilité financière de notre système est en question »
Pour Jean Hermesse, secrétaire général de la MC, les résultats de cette étude sont inquiétants : « Nous ne pouvons accepter cette moindre consommation de soins de santé par les personnes à faibles revenus. Comme tout citoyen belge, ces personnes devraient pouvoir se rendre chez le généraliste ou le dentiste lorsque cela s’avère nécessaire. Et donc également à titre préventif ».
Pour lui, c’est l’accessibilité financière de notre système qui est ici en question. « Mieux vaut pourtant prévenir que guérir. Pour le patient tout d’abord mais aussi en raison de l’impact financier de la prévention. En reportant leurs soins de santé, les personnes précarisées risquent de devoir supporter des soins plus intensifs et donc plus chers. De plus, les services d’urgence représentent une alternative plus coûteuse pour des soins qui pourraient dans certains cas être pris en charge par le généraliste ou le service de garde, poursuit Jean Hermesse. Pour chaque euro investi dans la prévention et l’information, nous économisons deux euros pour les traitements. » Une utilisation plus efficace des soins de santé permettrait donc de libérer des moyens au bénéfice de tous.
P.G./CP
Trois priorités pour améliorer le système
La MC identifie trois pistes prioritaires pour réduire les inégalités sociales dans la consommation des soins de santé :
– Renforcer l’importance de la première ligne (généraliste) et de la prévention (soins dentaires), avec une information claire et transparente sur le coût des consultations et des traitements et une sensibilisation accrue aux avantages santé et financiers de disposer d’un dossier médical global (DMG). L’enseignement devrait porter une attention particulière à la prévention.
– Automatiser les droits pour les personnes appartenant à certaines catégories sociales, notamment avec l’application systématique du tiers payant social (le patient paie uniquement le ticket modérateur) et la détection pro-active par les mutualités des personnes ayant droit au statut Omnio via l’envoi d’un signal automatique par l’administration fiscale.
– Organiser une meilleure coordination entre les médecins de garde et les services d’urgence hospitaliers afin de parvenir à une utilisation optimisée des services d’urgence.