Egypte: coup d’état ou révolution ? D’abord un échec !


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Egypte: coup d’état ou révolution ? D’abord un échec !
Par Jean-Jacques Durré
Publié le - Modifié le
5 min

Les premiers essais de la démocratie en Egypte ont donc tournés courts. A qui la faute ? Au président Morsi qui a tenté, comme le disent ses détracteurs, d’imposer une « dictature islamiste » ? Ou à l’armée qui restent toujours en embuscade depuis le départ d’Hosni Moubarak ? Peu importe, l'échec est patent !

Mohamed Morsi aura donc raté l’occasion unique de faire entrer son pays dans le club des nations démocrates. Elu à la présidence du pays le plus peuplé du monde arabe, à la faveur du « printemps arabe » qui a vu basculer de nombreux régimes dans les pays d’Afrique du nord (Tunisie, Egypte, Libye,…), le président aujourd’hui déchu incarnait l’espoir d’une population envieuse de libertés. Caractérisé comme modéré, malgré son appartenance au parti islamiste des Frères Musulmans, le président a sans doute été coincé par l’aile dure de sa formation.

Au cours des dernières semaines, les manifestations anti-Morsi se sont succédées et la colère des manifestants était à la hauteur de leur déception de voir celui qui incarnait la liberté démocratique dériver à leurs yeux vers l’installation d’un état islamique. Ce qui avait entraîné la démission de plusieurs ministres du gouvernement de coalition.

La tension est donc montée au fil des jours, au point que les militaires avaient lancé un ultimatum au président pour qu’il « entende la voix du peuple » et qu’il réponde « aux attentes des manifestants de la place Tahrir. Morsi avait rejeté cet ultimatum et le bras de fer ne pouvait donc que s’amplifier.

Coup d'état ou révolution ?

Le chef des forces armées, le général Abdel Fattah al-Sissi, a annoncé la dissolution des chambres, la suspension de la constitution et la mise en place d’un gouvernement de transition sous la houlette du président du Conseil constitutionnel. Un scénario qui ressemble plus à un coup d’état qu’à une révolution. Pourtant, la foule, mais aussi les Eglises catholique et copte, applaudissent à cette reprise en main du pays par les militaires, lesquels sont considérés comme des héros. Il faut dire que les récents événements rappellent la chute du régime de Hosni Moubarak, chassé du pouvoir en février 2011 après 18 jours de manifestations massives appelant à son départ. L’armée a nénamoins promis des élections présidentielles anticipées, sans préciser la date de celles-ci. De même, un comité « chargé d'examiner les propositions d'amendements constitutionnels sera formé », a encore indiqué le général.

Appui de l'Eglise copte !

La destitution par l'armée du président égyptien i et la fin brutale du gouvernement dominé par les Frères musulmans réjoutssent le Patriarche d’Alexandrie des coptes catholiques. "(...) Nous sommes en fête. Nous n’avons pas dormi. Le peuple égyptien a repris pacifiquement possession de son pays. Il a ainsi montré au monde qu’il est un peuple civilisé, malgré les graves problèmes auxquels il doit faire face", a déclaré Mgr Ibrahim Isaac Sidrak dà l’agence missionnaire vaticane Fides. Le chef de l’Eglise copte catholique a exprimé son appui à la "feuille de route" mise en place par les militaires pour sortir de la crise politique et stabiliser le pays. "Différents signaux montrent que nous sommes sur la bonne voie. Les erreurs précédentes ne seront pas répétées, lorsque, dans l’euphorie de la fin politique de Moubarak, tout le reste fut perdu de vue et beaucoup de choses furent laissées dans le flou", a-t-il expliqué. Et d'ajouter: "Cette fois, les prochaines étapes ont été bien préparées. Aujourd’hui, le nouveau président provisoire, Adly Mansour, prête serment et l’ordre démocratique sera progressivement pleinement rétabli".

Le Patriarche copte catholique tempère néanmoins : "Nous ne pouvons pas dire de ne pas nourrir de craintes. La situation économique est préoccupante et rend tout un chacun plus exposé au risque d’être manipulé par les sirènes de la propagande. Les partisans de Morsi sentent qu’ils ont perdu et sur cela peuvent venir se greffer des sentiments de vengeance. Nous devons les convaincre qu’il existe une place également pour eux dans le pays, que personne ne les rejette, mais qu’ils doivent être et se comporter en Egyptiens, comme des compatriotes de tous les autres Egyptiens et ne pas viser à instaurer un despotisme religieux".

Malgré la joie du peuple égyptien, des épisodes de violence se sont succédé en Egypte après le renversement du gouvernement. Pro et anti-Morsi se sont affrontés ces dernières 24 heures au Caire, faisant plusieurs morts. Les partisans du président déchu dénoncent un coup d'Etat militaire contre un gouvernement élu démocratiquement. Dans la soirée du mercredi 3 juillet 2013, des groupes de fanatiques islamistes ont attaqué la paroisse copte catholique Saint-Georges dans le village de Delgia, à 60 Km de Minya. Ils ont d’abord saccagé puis incendié le presbytère et les locaux des groupes paroissiaux.

Tiédeur des réactions

Les réactions à cette prise de pouvoirs n’ont pas tardé, sans pour autant condamnés fermement l’armée égyptienne. L’un des premiers à réagir a été le président syrien, lui-même en proie à une guerre civile : il a estimé que la crise en Egypte montrait « l'échec de l'islam politique ». La France s’est contentée de prendre acte que de nouvelles élections seraient organisées après une période de transition. Le Royaume-Uni "travaillera" avec le nouveau pouvoir en place en Egypte, a déclaré jeudi le ministre britannique des Affaires étrangères. Quant aux Etats-Unis, ils ont appelé à la pacification, sans plus. Force est de reconnaître que l’attitude occidentale est sans doute l’attentisme. Mais, il se pourrait aussi que la reprise du pouvoir par les militaires égyptiens, soulagent les capitales occidentales, qui craignaient de voir s’installer de l’autre côté de la Méditerranée un état islamique dur.

Reste à voir maintenant comment l’armée gèrera la crise et dans quel délai elle permettra le retour à la démocratie. Quoi qu’il en soit, même si le président déchu a fait des erreurs, on ne peut que regretter que la première vraie tentative d’un régime démocratique en Egypte ait tourné court. Car, Mohamed Morsi était bien sorti vainqueur du scrutin présidentiel. A cet égard, c’est un échec.

Jean-Jacques Durré

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