Au cœur de l’exil juif


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Au cœur de l’exil juif
Par Angélique Tasiaux
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
3 min

Publié à Berlin en 1930, le livre "Job" a été réédité dans une nouvelle traduction française. Le titre est sans équivoque, à l'image de ce personnage biblique qui hante les mémoires de bien des chrétiens. L'auteur a pourvu son roman d'un sous-titre qui précise davantage le caractère du héros dépeint. Il s'agit en l'occurrence du "roman d'un homme simple". Ainsi, ce Job est-il, d'emblée, qualifié d'innocent et de franc.

Comme Job, Mendel Singer, un juif pieux, maître d'école de son état et père de famille par ailleurs, va connaître bien des déboires, au point de traverser, lui aussi, une violente crise de foi. Installé dans une petite ville au bout du monde russe, l'enseignant sera finalement contraint à l'exil vers les Etats-Unis, là où réside son fils aîné.
Joseph Roth nous convie à une recension minutieuse des coutumes et habitudes de vie des communautés juives traditionnelles d'Europe centrale et orientale. Le lecteur est ainsi plongé dans les traditions de ces croyants orthodoxes, qui célèbrent les offices avec une dévotion empreinte de respect et de crainte. Plus de quatre-vingt ans après sa parution, ce roman touche encore par les thèmes immémoriaux qui le traversent. Ainsi, l'expatriation du maître d'école vieillissant nous montre-t-elle un homme attachant, qui se souvient avec nostalgie de là-bas où "le printemps arrivait plus lentement qu'en Amérique".

Une fratrie éclatée

En dressant le portrait de la famille Singer, Joseph Roth se penche sur les relations, ou plutôt l'absence de relations, entre les quatre enfants du couple: l'un devient militaire convaincu, l'autre "rusé comme un renard" déserte et s'installe en Amérique, l'unique fille se transforme en séductrice libertine et le petit dernier, Menuchim, reste seul au pays, abandonné dans son triste état d'enfant retardé. Et pourtant, l'histoire se terminera par un coup d'éclat miraculeux, avec une fin digne d'une légende.

Irruption de la guerre

Installé en Amérique, le fils de Mendel va s'enrôler et partir à la guerre, parce que "l'Amérique est une patrie. Toute personne honorable a le devoir de partir à la guerre pour la patrie.". Un glissement d'identité s'est donc opéré, depuis le père, qui se définissait par sa religiosité, au fils, convaincu par sa nouvelle appartenance patriotique, au point de s'engager pour la défense de celle-ci. Symboliquement, Schemarjah a d'emblée anglicisé son prénom, en optant pour celui plus consensuel de "Sam". Tel un converti, il adopte tous les attributs de sa nouvelle nation: épouse native de l'endroit, enfant unique, commerce florissant, etc. Et pourtant, plus fort que ces différences comportementales ou choix philosophiques, l'amour parental et filial triomphe. La prédiction du rabbi s'est accomplie. "N'aie pas de crainte et rentre chez toi!", avait-il jadis lancé à la mère de famille éplorée, l'épouse de Mendel venue le consulter.

Ancré dans une autre réalité historique et religieuse, le roman "Job. Roman d'un homme simple" comporte une dimension universelle: celle de la singularité humaine.

Angélique TASIAUX

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